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Citation de Pivoine29


chapitre Aotrou Laënnec, Ploaré - dans les annéez 1826
pp.-112-114

Serai-je alors déjà dans les jardins d'Eden ? Kerlouarnec.

Encore et toujours.

Mon dernier refuge.

Ces terres me rendent ivres.

Je le dis constamment à Jacquette : la qualité de l'air y est exceptionnelle.

Trop chaud vous étouffe et vous fatigue.

Trop vif vous glace.

Mais ici !

Il y a cette odeur parfumée aux herbes sauvages.

Il y a ce vent aux odeurs de varech qui dilue dans l'air son âpreté si caractéristique.

Tout y est contraste et apaisement.

On se sent à la fois alangui et tonique.

Fort et doux comme un enfant, ou serein et grave, comme un philosophe.

Et je suis devenu cet enfant, et je suis ce philosophe.

Maintenant Jacquette me pousse dans ce landau d'osier et j'accepte...

Au moindre rayon de soleil, nous tentons, dans ce triste attelage, les approches des chemins que nous aimions.

C'est vrai que nous allions volontiers vers ce sentier des Plomarc'h, le petit "port du cheval".

Surplombant la mer, il nous descend jusqu'au Rosmeur.

Les lumières sur l'océan, jouent de leurs séductions changeantes selon les vents, et je ne m'en lasse jamais.

Au printemps, le Menez Hom, chauve et dominateur, semble se rapprocher lorsque les ajoncs et les bruyères sont en fleurs.

Rien n'est jamais acquis, dans cette baie, rien n'est pareil, mais tout semble éternel.

Lorsque nous approchons du port, nous sommes saisis par ses odeurs, si différentes de celles de notre campagne.

Ici tout est rugueux, aride, fruste.

Même le breton des marins prend cette consonance plus hachée, plus brutale que celle des paysans.

L'air y est plus vif, la mer plus salée, l'intensité du matelotage plus forte qu'ailleurs.

Il y règne une atmosphère affairée, bruyante.

Les femmes ramendent les filets, les hommes vont partir, ils chargent les bateaux, ils reviennent, crient avec des gestes saccadés et tout doit bouger dans ce pays de marée où le mouvement c'est la vie.

Et pour ceux qui restent, les anciens immobiles, les vieux épargnés par l'océan et la misère, serrés sur les vieilles poutres posées le long du quai, c'est le silence qui les unit.

Ils ne disent plus rien, ils fixent le large de leurs yeux vides....

Il est temps pour moi de quitter jusqu'à l'idée de tous ces chemins que nous avons parcourus ensemble.

Je m'inquiète toujours pour Jacquette. Elle est à la fois si forte et si fragile.

Nous n'avons pas été riches. Nous n'avons pas fait fortune. Mais nous avons su être. Envers et contre tout.

Et c'est cela l'important.

Ma femme me veille, et je sais que tout ce qu'elle fera sera bien. J'embarque pour l'autre rive.

Je me confesse en latin, mais je meurs et je prie en breton.

Adieu Jacquette, quand allons-nous nous retrouver ?
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