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Citation de PATissot


- Hâtons-nous, hâtons-nous ! Les fourriers du prince de Tarente arrivent. Monseigneur a quitté Milan, il se dirige sur Vercelli. Venez ça, messire Lancelot de Lans. Où en sont les choses ?
- Madame, les cuisines et l'office ont été suffisament pourvus en provisions de bouche. Nicolas le peintre est à l'oeuvre, tous les décors et les accessoires du banquet et de la morisque sont en cours de fabrication. Le prince devrait faire son entrée à Turin lundi 6 février aux alentours des deux heures de l'après-dîner.
- Nicolas se surpasse afin que la réception soit inoubliable. J'ai ouï dire que les dames se font confectionner des robes de taffetas blanc et des frontières de velours garnies de plumes d'autruche.
- Leurs bonnets sont si emplumés qu'ils risquent se s'envoler. . .
- J'ai entr'aperçu la robe de la Bâtarde de Villars, mais je préfère celles de Mademoiselle de Miolans et de Jaquemette de Challes.
- Oui da ! La robe de Jaquemette est mal faite, elle lui fait le cul large. On dit le plus grand bien de ce jeune prince, continue Marie, devenant rêveuse.
- En effet, ma chère. Mais cela ne vous concerne point. Vous êtes promise à Hochberg, et Loyse à Hugo de Chalon. Par contre, le prince de Tarente conviendrait bien à votre soeur aînée, qui risque de demeurer pucelle, car le roi ne se hâte guère de lui trouver un époux. Je vais m'enquérir des projets matrimoniaux d'Alphonse d'Aragon pour son fils cadet.
Lancelot de Lans s'esquive, la conversation entre la duchesse et ses filles prenant un tour personnel.
- Le roi marie sa fille aînée à un vieux bachelier de trente-cinq ans, qui n'est même pas riche. Quelle idée, vraiment !
- Vous n'avez guère appris à connaître votre oncle et les méandres de sa pensée. Le roi se complaît à tisser patiemment plusieurs motifs, qu'il enchevêtre à sa guise. Un cadet sans fortune lui coûte moins cher qu'un prince et se montrera plus docile.
- Oh !
- Par ailleurs, Beaujeu n'a beau être que le cadet du duc Jean de Bourbon, ce dernier n'ayant pas d'héritiers légitimes, Pierre héritera de son énorme fortune. En gagnant le cadet Bourbon, le roi l'éloigne de son frère. Il empêche un éventuel mariage entre Beaujeu et Anne d'Orléans, la soeur de Louis. Son union avec Anne dissocie deux clans qui jouèrent un rôle important lors de la Ligue du Bien public. Le roi n'oublie rien. Vous devriez en tirer leçon, ma mie.
- On dit qu'au jour du mariage, qui se fera à Tours, le roi ne daignera paraître. Anne a dit à notre soeur, sous le sceau du secret, qu'elle s'en moquait, et n'ôterait pas l'anneau que lui passa jadis au doigt Nicolas de Calabre, le prince plaisant.
- Cela ne l'empêchera pas de remplir son devoir d'épouse et de princesse. Prenez exemple sur cette jeune femme accomplie, qui a la tête bien faite.
- Nous passons de l'autorité paternelle, ou d'un oncle, en l'occurence, à celle d'un époux.
- L'éducation des princesses n'est pas une sinécure. Vous y veillerez avec soin lorsque vous serez mères à votre tour. Une princesse doit avoir une contenance belle et simple, savoir se bien conduire dans le monde, parler avec grâce en société. . .
- Si l'on bavarde trop, on passe pour doctorale ou irréfléchie. . .
- Mais les silencieuses sont souvent jugées sottes, se plaint Loyse, qui n'avait pas encore ouvert la bouche.
- Mais non, ma petite mésange. Vous possédez cependant un fonds de sensibilité qui m'alarme pour le repos de votre vie. Gardez-vous l'une et l'autre d'une excessive pudeur, qui risque de vous faire passer pour fières, mais ne regardez pas les hommes comme l'épervier qui fond sur l'alouette. . .
- Ou l'émouchet sur un crapaud, comme la belle Gilberte de Miolans. . .
- Je trouve sa beauté commune, c'est trop.
- Elle porte des cottes hardies, très courtes, très ajustées au buste, sur de longues gonnes. . .
- Ne soyez pas médisantes, mes coeurs, et prenez grand soin toutes deux d'un corps qui est le temple de votre esprit. Allez, à présent, sans oublier que Gilberte sera un jour très riche.
Yolande scrute son visage dans le miroir d'argent poli. Ses traits ont perdu de leur acuité au fil des ans, le gris de ses yeux a pâli et pris la teinte de l'étain terni. Son miroir renvoie une image brouillée, mélancolique et fanée. Elle plisse les lèvres de mécontentement, lève la main, sa suivante accourt.
- Epile-moi les sourcils convenablement, presse un citron, pour aviver mon regard avec une goutte de jus. Prépare mes fards à joue. Lave mes cheveux avec de la cendre. Je deviens transparente, et nous recevons un prince.
Les suivantes entrent chez la duchesse. Sous les ordres de la Janyne, chambrière attitrée de la duchesse, Miquette et Babette se placent de part et d'autre du large lit, tendent et lissent draps et courtepointe avec le grand bâton de lit dont chacune tient une extrémité, glissent la chemise de nuit sous le traversin, répandent sur la couette piquée des coissines de satin blanc emplies de poudre de violettes. Elle passent ensuite dans la garde-robe attenante, secouer les robes et les fourrures étendues sur des perches le long des murs.
- Celle-ci a un accroc. Emportons-la.
Le jeune Charles entre à grand fracas dans la chambre, piaffant et caracolant sur son cheval-bâton.
- Hue dia ! Je suis un chevalier qui part guerroyer avec le duc de Bourgogne.
- Un chevalier ? À peine un palefrenier, se moque Marie.
- Maman !
- Calmez-vous, mes chéris. Où est passé Philibert ?
- Avec le sire de Rivarol.
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