Pension centrale
Une rue déserte ! Vous n'en avez jamais vu ? Eh bien ! Je vous le dis, vous ne connaissez pas la merveille des merveilles. De jour les maisons qui la bordent s'éteignent, se taisent, l'air de soldats au garde-à-vous, alignées, toutes pareilles et anonymes. Sur les milliers de gens qui passent devant elles, qui est capable de les individualiser, de les distinguer, de remarquer le dessin d'une porte, la grâce d'une fenêtre, le profil d'un angle de rue ? Personne bien sûr. C'est pourquoi elles se dépersonnalisent, se défigurent, se couvrent en somme de banalité. Mais les voir la nuit... Pas une qui n'ait quelque chose à dire, une histoire à raconter... Même les bancs ! Même les grosses maisons cossues ! (p. 128) [cf. Le Tout sur le Tout, 1988]