Rua de
Miguel Torga
Pension centrale
- Et alors, qu'est-ce qu'elle vous fait, ma vie ?
-C'est qu'elle cause beaucoup de dérangement...Vous voyez bien que si les clients ne se lèvent pas à la bonne heure, ne mangent pas à la bonne heure ...
(...)
-Mais pour quelle raison les horaires des autres seraient-ils meilleurs que les miens ?
-Monsieur Macedo, pour l'amour du ciel ! Quelqu'un qui déjeune à quatre heures et demie de l'après-midi et qui dîne à onze heures du soir !...
-Et alors quoi ?
- Alors c'est pas comme tout le monde...Les autres vivent le jour et dorment la nuit...Tandis que vous...
- (...) Mais je vous le demande: vous êtes-vous déjà promenée par les rues le matin de bonne heure ?
-Je suis une honnête femme, Monsieur Macedo !
-Donc, c'est non. Alors partez du principe que jusqu'à ce jour vous avez été enterrée vivante et occupée à nettoyer les murs de votre tombe. (...)
-Et c'est dommage, parce que la ville a des aspects bien curieux. Quand vous le pourrez, une fois le travail fini, au lieu d'aller vous coucher, montez par une ruelle qui prend un peu plus haut, au coin de la rue, et ouvrez les yeux. Juste au bout il y a une grande bâtisse toute illuminée. C'est la Maternité. Appuyez-vous aux grilles d'un petit jardin qui est
juste en face , et attendez une petite demi-heure. C'est merveilleux ! Au début on n'entend qu'un silence complet, qui prépare l'esprit . Puis, ce sont des cris aigus et désespérés qui semblent trouer le ciel.
Ne vous inquiétez pas. Enfin on l'entend. C'est un vagissement plein de fraîcheur, cristallin, qui vous entre dans le coeur comme une caresse. Vous n'imaginez pas la fraîcheur qui émane du premier cri d'un enfant, tombant comme une rosée sur la solitude nocturne ! Il faut l'avoir entendu pour savoir ce que c'est... (p. 127) [ cf.Le Tout sur le Tout, 1988]
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