Bálint repensait au pauvre Kadacsay, qui s'était tué de désespoir faute d'avoir pu acquérir ce que Tamás repoussait loin de lui. Une question lui vint à l'esprit : Gazsi aurait-il connu un autre destin s'il avait pu obtenir tout cela ? Et Laczók eût-il été aussi serein si, possédant sa vaste culture, il n'avait pas renoncé à la carrière, au pouvoir, à la réussite ? Était-ce sa culture qui lui donnait la force de tout plaquer là, ou aurait-il bien mené la même vie et eût-il été aussi satisfait s'il n'avait pas été forcé par le destin à s'expatrier, s'il était resté au pays dans une molle et oisive ignorance ?
Est-ce la vie qui nous forme ou sommes-nous la résultante de facteurs innés ?
Ne pouvons-nous renoncer tranquillement qu'à ce que nous possédons déjà, sans pouvoir renoncer à ce que nous n'avons pas pu obtenir ?