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Citation de Carolina78


Il m'arrivait ainsi, d'arracher la tête d'un criquet pour, de la main droite, la donner à dévorer à une mante religieuse qu'immobilisait ma main gauche. Ou bien de faire tenir à mon petit frère une autre mante religieuse afin d'organiser une petite séance de cannibalisme. Ce doit être la raison pour laquelle les mantes religieuses restaient toujours bien vigoureuses alors que les autres insectes mouraient d'inanition les uns après les autres. Déposant alors les petits corps à proximité d'une fourmilière, je restais jusqu'au coucher du soleil à contempler les efforts désordonnés des fourmis tirant les carcasses à hue et à dia pour les faire entrer dans leur trou. D'autres fois encore, courant prendre la loupe à la maison, je me divertissais à rôtir quelques fourmis que j'avais affaiblies en les écrasant légèrement du doigt. Il s'en élevait un mince filet de fumée accompagné d'une odeur de cheveu brûlé, puis je prenais beaucoup de plaisir à envoyer voler au loin ces petites carcasses de fourmis calcinées et allégées.

Je me souviens aussi d'un jour - c'était certainement l'été - où une chatte de gouttière avait mis bas en dessous de la véranda. Mon père, ayant repéré de petits miaulements, prit une lampe de poche et se leva. Il fit déguerpir la maman-chat de quelques coups de balai, attrapa les chatons dont les yeux n'étaient pas encore ouverts, les fourra dans un carton et disparut. Mon frère pleurait, moi je suivis subrepticement mon père et vis qu'il abandonnait les chatons dans le terrain aux herbes folles, devant la maison. Lorsque j'allai voir le carton le lendemain, les chatons étaient morts. Quelques jours plus tard, j'allai examiner une nouvelle fois le carton, probablement déformé et, ramolli par la pluie tombée la veille ; les corps des chatons qui en dépassaient grouillaient d’asticots. Je ne sais pourquoi, mais les cadavres d'insectes ou de chatons ne m'ont jamais fait un effet macabre, ils n'ont même jamais suscité en moi la moindre peur. (p.22-3)
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