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Citation de missmolko1


Ils chevauchaient depuis quelques minutes seulement quand une vive douleur lui traversa le bas ventre.
Elle tira si brusquement sur ses rênes qu’elle fit ruer son cheval et manqua de tomber de selle.
L’homme qui était légèrement moins effrayant que l’autre, parce qu’il souriait, parvint à calmer sa monture.
— Que se passe-t-il ?
Mary posa la main sur son ventre.
— Je ne sais pas. Je crois… que c’est… le bébé…
Il était trop tôt. Il ne devait pas arriver avant encore un mois.
La Vipère jura.
— Par tous les saints ! Ne me dites pas que vous êtes en train d’accoucher !
Si elle n’avait pas été sciée en deux par une nouvelle contraction, elle aurait ri en voyant les expressions horrifiées des deux hommes grimés comme des croque-mitaines.
— Pas encore, répondit-elle prudemment.
— Mais les douleurs ont commencé ? demanda le Faucon sur un ton beaucoup plus doux.
Elle acquiesça.
La Vipère jura encore et lança un regard à son compagnon.
— C’est toi qui t’en occupes. Tu as plus l’habitude que moi. Je ne crois pas que je pourrai supporter ça une fois de plus.
— Je croyais que tu pouvais tout supporter, le railla l’autre. On dirait que tu as peur.
— Et pas toi ?
— Je te le concède, répondit le Faucon avec une grimace. Fichtre, si seulement l’Ange était avec nous !
Mary s’efforçait de ne pas crier, mais elle ne put retenir un gémissement.
Les deux hommes jurèrent à nouveau, la Vipère employant un terme nettement plus cru. Elle se sentit soulevée de sa monture et déposée sur la selle du plus souriant, qui ne souriait plus du tout.
La route jusqu’à la côte lui parut interminable, même si elle ne se trouvait qu’à quelques kilomètres.
Chaque fois qu’une nouvelle douleur la parcourait (elles étaient irrégulières), elle sentait monter l’angoisse de l’homme derrière elle.
— Tenez bon, lui dit-il.
Cependant, les deux guerriers étaient clairement dépassés et leur tension augmentait encore la sienne.
Elle voulait son mari. Où était-il ?
Elle avait dû parler à voix haute car le Faucon lui répondit :
— Il ne tardera pas.
Il n’ajouta pas « j’espère », mais elle l’entendit quand même.
Une violente contraction plus tard, ils arrivèrent au bateau. Il était caché dans une crique quelque part au nord de Berwick. Une dizaine d’autres hommes attendaient sur le birlinn, le navire de prédilection des marins des Hébrides. Elle frissonna en apercevant l’oiseau de proie sculpté dans la proue. Au moins, elle savait d’où l’un des deux hommes qui l’accompagnaient tirait son nom. Le Faucon était le capitaine du navire. Elle préférait ne pas savoir d’où la Vipère tenait le sien.
Le Faucon l’aida à monter à bord et l’installa le plus confortablement possible. Elle vit les yeux écarquillés de l’équipage à mesure que la nouvelle de son état se propageait, ce qui ne contribua pas à la rassurer. Elle s’efforça de cacher sa peur et sa souffrance, sachant qu’ils étaient impuissants à l’aider.
Elle prit de longues inspirations profondes, pensant que cela la soulagerait. Il n’en fut rien mais, pendant ce temps, elle pensait à autre chose qu’à l’absence prolongée de son mari. Les marins autour d’elle commençaient à s’impatienter. Leur nervosité était compréhensible dans la mesure où seuls quelques kilomètres les séparaient de trois mille soldats anglais.
Elle étouffa un cri, tenant son ventre à deux mains et se recroquevillant en boule tandis qu’une nouvelle contraction la tenaillait.
Un marin à ses côtés la regardait avec compassion. Il avait une épaisse barbe et le visage crevassé d’un homme qui a passé de longues années en mer.
— Comptez, lui conseilla-t-il. Ma femme, qui en a eu dix, dit que ça aide de compter à voix haute. Quand on sait combien de temps elle va durer, la douleur est plus facile à supporter.
Mary n’en était pas convaincue, mais cela lui occupa l’esprit. Elle compta jusqu’à vingt avant que la contraction ne s’estompe.
— Des hommes approchent ! cria enfin la vigie.
Elle sentit une puissante vague de soulagement monter dans les rangs. Les hommes avaient hâte de se débarrasser de leur fardeau : elle.
— Où est-elle ?
Les hommes s’effacèrent pour laisser passer Kenneth. Il était couvert de terre et de sang, son visage était maculé de suie, ses cheveux emmêlés et collés par la sueur. Il ne lui avait jamais paru aussi magnifique. Elle tenta de se redresser, puis grimaça et se laisser retomber contre la coque.
Kenneth jura et lança un regard furieux au Faucon.
— Que lui est-il arrivé ? Elle est blessée ?
— Rien, elle…
Il n’attendit pas la fin de sa réponse et se précipita, sautant de coffre en coffre pour la rejoindre.
L’instant d’après, Mary sanglotait de soulagement dans les bras de son mari.
Tout irait bien. Il était avec elle. Elle était en sécurité. Elle n’aurait pas à traverser seule cette épreuve. Elle laissa échapper un peu de la peur qu’elle ressentait.
— Que se passe-t-il ? demanda-t-il en lui caressant doucement les cheveux. Où es-tu blessée ?
— Je ne suis pas…
— Mère ?
Mary sursauta et se redressa pour regarder vers la poupe du navire où David venait d’embarquer avec MacKay.
— David ? murmura-t-elle.
Son cœur s’emplit de joie. Elle se tourna vers Kenneth.
— Comment ?
Il lui sourit tendrement.
— Je t’expliquerai plus tard. D’abord, dis-moi où…
Il s’interrompit en l’entendant pousser un long cri de douleur. Elle se mit à compter en se tenant le ventre. Cette fois, elle arriva jusqu’à trente.
Elle était vaguement consciente de la panique de Kenneth. Il hurlait :
— Mais que lui arrive-t-il, bon sang ? Que compte-t-elle ? Faites quelque chose !
Elle ignorait à qui il s’adressait mais ce fut MacKay qui lui répondit :
— Félicitations, la Recrue.
— De quoi parles-tu ?
— Tu vas bientôt être père.
Kenneth se tourna brusquement vers elle, demandant une confirmation. La douleur s’atténua suffisamment pour lui permettre de hocher la tête.
Il écarquilla les yeux et, l’espace d’un instant, elle lut sur son visage la même peur et la même impuissance qu’elle avait observées chez les autres. Puis son expression changea et il afficha une détermination de fer.
— Non. Cet enfant naîtra à Dunstaffnage, avec l’aide de ma sœur.
Personne n’osa le contredire.
— En combien de temps peux-tu nous conduire chez nous, le Faucon ? demanda-t-il.
Chez eux. En Ecosse. Avec son mari et son fils. Elle n’avait jamais osé en rêver.
— Nous y serons demain soir. Peut-être un peu plus tôt si les vents sont avec nous.
— Demain soir ! s’exclama-t-elle.
Elle ne pourrait pas tenir toute une journée. Combien de temps cela avait-il duré pour David ? À peu près autant, se souvint-elle avec effroi.
— Et si le bébé arrive avant ? demanda-t-elle.
— Il n’arrivera pas avant, répondit Kenneth avec une telle conviction qu’elle le crut presque.
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