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Critiques de Muriel Augry-Merlino (2)
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Les lendemains turquoises

Ce beau livre de 2010 qui commence par une référence à Charles Baudelaire est le fruit de la collaboration de Muriel Augry avec Moulay Youssef Elkahfaï pour les illustrations et de Karim Karrakcou pour la traduction en arabe. Le papier couleur ocre semble souligner la fluidité du grain de sable près de cette Méditerranée, mer omniprésente. D’ailleurs le tout premier cycle s’intitule « Embruns » et évoque « Une journée d’été comme les autres/ Une journée sans nom pour tant d’autre » (p. 12). L’huile sur toile (46 x 54 cm) de la page 15 me semble somptueuse : une simple mais expressive variation sur diverses notes de bleus suggérant un paysage marin tumultueux.

De la brève mais très belle préface de Bensalem Himmich je retiens deux affirmations : « Les poèmes de Muriel Augry sont courts, ciselés. Ils bannissent l’épanchement » et « […] le voyage est une constante. Il scande le long défilé des jours et lui offre des fragments de plénitude ».

En effet, les poèmes de Muriel Augry sont composés de phrases courtes, voire très courtes (parfois juste sujet + verbe) mais ils constituent un ensemble très cinématographique. Une belle mouvance anime ces images colorées jusque dans la nuit qui « par-delà les toits/ […] flotte/ sucrée » (p. 22). Mais quel talent ! Il suffit d’une ligne pour marquer l’horizon : « Insouciants les palmiers soulignent le ciel ». (p. 32) Le vent balaie avec force un paysage luxuriant dont la « luxure » (p. 32) n’est pas absente. La ville danse, « saoule » (p. 40) car demain sera « orange » et les ivresses « dissèquent les amours » (p. 52). La fête est avant tout celle des yeux, car Muriel Augry nous invite à refuser « d’entrer/ Dans le tourbillon d’une existence sans couleur » (p. 42).

Au bord de cette mer, des histoires naissent et finissent par disparaître en osmose avec la nature : « Les soleils sont paresseux/Les lunes irradiantes/ Une boussole pour sablier redresse le monde » (p. 52). Il en reste, fort heureusement, des échos « jusqu’à la permanence » (p. 56) et le chagrin est inévitablement « L’absence [qui] cisèle les lignes du devenir » (p. 60). Un brin de lyrisme rehausse cette idée de rencontre entre deux avions par la présence du « Je » qui « glisse vers l’arrivée » (p. 64). Le parfum qui flotte dans l’air, au gré du vent, est bien celui de l’amour car à la dernière page, avec une superbe rime, « Le couple se fond dans la ville Océane/ Chuchotements/ Dans les méandres des cœurs errants » (p. 70).

J’ignore si j’ai restitué pour vous toute la richesse des vers de Muriel Augry, mais je peux affirmer avoir passé un moment de grâce en compagnie de ce beau livre bilingue français-arabe.



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Ne me dérêve pas

Je dois l'inattendue, mais fort appréciée rencontre avec Muriel Augry, à Radu Bata. Cependant, on est ici loin de l'univers de l'espiègle auteur de « poésettes ». Chez Muriel Augry on fait un voyage à rebours dans un temps des commencements, dans un temps où le rêve est, toujours, souverain : « Suspendue entre deux hordes de nuages/ Je glisse vers l'arrivée » (p. 30).



Ce livre, publié par une grande maison d'édition roumaine en 2020, est ce qu'on appelle en Roumanie, une anthologie d'auteur structurée en cinq parties : « Exils », qui convoque des textes du volume Les lendemains turquoises paru à Rabat aux éditions Marsam en 2010, « Mosaïques », où l'on peut lire quelques poèmes tirés des Écailles du soir paru chez L'Harmattan en 2012, « Transparences », avec des poèmes d'Éclats de murmures en 2016, « Échos », un choix de poèmes des Instantanés d'une rive à l'autre en 1918, publiés à Tanger par Virgule Éditions, pour terminer avec « Coulisses », qui regroupe quelques-uns des textes parus dans Les lignes de l'attente, publié chez Voix d'encre en 2020.



C'est un beau livre bilingue (français-roumain) illustré par plusieurs dessins de l'artiste roumain Dragoș Pătrașcu. Il réunit donc, comme je disais plus haut, des extraits de 5 recueils déjà publiés et présentés dans l'ordre chronologique comme pour mieux souligner une sorte d'évolution stylistique. Je trouve, pour ma part, que le talent de Muriel Augry est constant dans sa réalité palpable et que seule la mer (avec son versant masculin, l'océan), omniprésente et personnifiée (cf. le dernier poème « L'oeil de la mer ») a pris, au fil du temps (entre 2010 et 2020) quelques rides.



Une autre constante de la poésie conçue par Muriel Augry comme suite de captures d'images éphémères est la synergie parfaite, dirais-je, entre les différents sens : la parole, les sons, les couleurs, voir le goût. Il en va ainsi, notamment, du poème dont le titre est peut-être aussi un clin d'oeil à Paul Éluard pour qui « la terre est bleue comme une orange », i.e. « orange comme miel au soleil », p. 118). La paupière de cet « oeil de la mer » est expressément et précédemment nommée à la page 76 : « de velours un rideau se couche ». Carmelia Leonte, en commentant la même image, fait un très judicieux rapprochement avec « [l]'avalanche à rebours » du poème « Nous tombons » de René Char. Mais les vers de Muriel Augry sont résolument originaux dans les métaphores qu'ils véhiculent.



Dans mon poème préféré, le jaune-orangé du safran contraste fortement avec le bleu ciel de l'océan (cf. pp 46 et 48) et l'amour de la mer est ainsi sans limite. Il rime bien avec « folie » : « Dans un moment bleu ciel/ Il y eut l'océan/ Et les vagues de sable mourant sur les pieds/ Ondulations ténues, talisman aux poignets// Puis il y eut l'outremer qui broie la dune et se rit des équilibres/ Ronde ensorcelée sous l'emprise du chamelier// L'ombre vint avec les frimas de la raison/ le bleu s'évanouit dans un tapis d'inconscience// Sur ta façade se brisent mes folies » (p. 46). Ce poème incandescent, puisque la luminosité atteint une telle intensité que l'on s'évanouit littéralement, instaure un beau dialogue de couleurs avec le suivant de l'anthologie : « Une lame effilée de lune/ Frappe le carreau/ Chasse la raison// Les refrains frissonnent dans une nuit safran/ Et se brisent sur le grain du roseau ». Des images graciles et solides à la fois qui se savourent lentement.



Muriel Augry sait faire en sorte que l'imaginaire du lecteur se ravive dans le blanc de la page aérée de son livre, car rares sont les poèmes qui dépassent la dizaine de vers.

Mer parfois tumultueuse, mer vue beaucoup depuis la grève maghrébine où le « chamelier » s'avance par une superbe contraction avec le désert rapproché par l'imagination.



Dans une interview accordée à Matei Visniec, Muriel Augry déclare que pour elle la poésie est un véritable canot de sauvetage. Voici donc revenue l'image aquatique, quasi ontologique du quotidien qui baigne dans des sensations purement poétiques ou, mieux dit, poétiquement pures.



Cela n'a pas dû être facile pour Raluca Vârlan-Bondor la traductrice en roumain de parvenir à ce résultat remarquable.

Dans sa préface, modestement appelée « cuvânt însoțitor » [mot d'accompagnement] Simona Modreanu signe un magnifique et si juste portrait de Muriel Augry qui nous exhorte, par le titre à la poursuite de nos propres rêves également.

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