Citations de Musée des Beaux-Arts - Angers (30)
L'ATTENTE
à Jean Breton
Les cuisses élargies sur son Destin
Les bras tendus vers un Royaume,
Femme, elle attend
L'espoir, l'apaisement, le baume
Puissant, le désir de l'homme, sa fin.
Elle attend
Le scintillement des rêves,
Les caresses de sang sur son corps,
L'or dévastateur des grandes tempêtes,
L'améthyste de la fausse mort.
............................
L'écume blanche de l'étranger
La vague qui va les submerger,
L'ennemi, l'amant, le partenaire
Et son attente prend goût de chaîne.
Claudine HELFT
ANONYMAT
Une femme en noir
Perdue sur un trottoir
Noyée au long d'un soir
Sans rêve et sans foi,
Une femme de brume
De silence et de rancune,
Plus loin que son âge
une femme,
Plus loin que la vie
Plus encore que l'ennui
Une femme
sans pleur,
seule.
(Un risque d'absolu, 1976 -Claudine HELFT)
ELIRE
un arbre dans la forêt
puis croiser son rêve
au fer de la nuit.
Claudine HELFT
Il suffirait d'un rien
Une instance de brume
De vent
D'argile sous le vent
De maléfique lune
Et de corbeaux fuyant sous les regards
De pluie qu'une autre pluie arrose de nuages
De jour jouant la mort du jour
De boue sur la boue du visage
Pour que l'été tremble un peu dans sa Tour
( Henry Rougier)
LA DERNIERE VIRGULE
Peut-être sommes nous
Les virgules
D'une phrase sans point
La clef d'une pendule
Originelle
Un voeu d'éternité
Qu'un autre eût prononcé
Quelqu'interrogation
Dont l'univers s'étonne
La semence égarée
D'une ancienne récolte.
Sentinelle
ou témoin
Peut-être sommes nous
Un message oublié
Sur la rondeur blasée
Du monde
La dernière faction
L'unique larme
D'une pérennité
Sans âme.
Claudine HELFT
JUSTEMENT ECLOSE
J'étais heureuse avec toi
Mais je ne sais plus pourquoi.
Tes gestes lents
Me préparaient pour la mort
Où tu m'entrainais doucement
Nous glissions ensemble
Dans un soleil blanc
Infiniment, absolument,
Et c'était mieux encore
que vivre.
Nous buvions le jour
A la blessure
de nos caresses
Et j'aimais l'humour
Dont même ton ivresse
me ouatait,
Peut être aimais-je
La fièvre enclose
dans tes silences
Et la brume d'un sourire
Qui dénudait l'univers.
Mais je suis sûre
T'ayant connu,
De n'avoir plus attendu
A coeur et à corps ouverts,
Justement éclose ...
Claudine Helft
N'être que rêverie
Sous l'aile des oiseaux
N'être qu'une prairie
Blessée de coquelicots
La pieuvre d'un vieux chêne
Qui saignerait un champ
Pour étreindre la plaine
Deux longues mains de vent
Je voudrais être pluie
Pour épouser la terre
Non
Dans l'oeil de l'infini
Je voudrais être pierre.
(Béatrice Kad)
[....]
Les oiseaux de mes rêves
Si douces mains de plumes
Qui effleurent mes lèvres
Et dissipent mes brumes
(Béatrice Kad)
ECRIT SUR UN PETALE
Contre ta joue un baiser de violette
ma mousse au bord de tes lèvres
mes neiges dans tes yeux
et mon cheval sombre sur ta route
qui n'en finit pas - qui n'en finit pas
comme si les arbres la chassaient
derrière nos paysages.
(Traduire la mémoire, 1975 - Jean-Paul MESTAS)
PALETTE
Je voudrais être cet enfant,
Penché sur la géographie des anges
Et qui regarde se figer les océans
D'un monde étrange.
Je voudrais être cet enfant penché sur les ombrelles
D'un ancien paradis
Et qui regarde au creux des fleuves engourdis
Dériver des saisons nouvelles ;
Mais ce coeur malmené,
Qui s'interroge et qui défaille
Doucement obstiné.
Est-ce la voix du temps qui tressaille,
Quand pour un chef-d'oeuvre ignoré
La nuit blonde s'écaille
Au bord des continents dorés.
(L'or et la paille, 1960 - Henry Rougier)
Le coeur et l'âme épuisés
il eut juste le temps d'entendre
une effraie sacraliser le silence
avant d'éteindre la veilleuse.
(Frank HOLDEN)
Entre nous pesait la page blanche
retrouvée par une coccinelle fabuleuse
dont les tâches sombres
ainsi que des oeufs d'angoulevent
accusaient le prestige des choses incertaines
aussi bien qu'aberrantes.
Jean-Paul MESTAS
[...]
Et même si l'ivresse me fait mal
si j'ai à payer une dette
(laquelle bon dieu laquelle)
je possède suffisamment d'automne
pour séduire l'arrière-saison
pour faire d'une seule herbe
un buisson ardent
la braise qui coule d'un ciel
l'unique odeur qui s'insinue
dans tous les pores à imaginer.
Et puis je passe et passe
et personne non personne jamais
n'aura à déchiffrer ni traduire
les hiéroglyphes de mes yeux de mes lèvres
que moi-même je ne saisis pas.
(Chapeau de paille, 1971 - Jean-Paul MESTAS)
QUAND TU T'ENDORS
Les empreintes s'étirent
Les yeux baissent leurs voiles
S'éteignent les sourires
Ton visage s'étoile
Sur l'oreiller renflé
- La barque qui t'éloigne -
La Solitude empoigne
Mon coeur désenchanté.
(Les Temps décomposés, 1971 - Béatrice KAD)
Suis-je seul à entendre
les cris stridents de la lumière
qui me réveillent le matin
pour me faire voir les mâchoires
d'un monde affamé s'ouvrir
d'un horizon à l'autre ?
(Frank Holden)
Le jour bascule sur son axe
L'ombre et moi
Poitrine contre épaule
Tassons nos voix dans nos entrailles
Un oiseau s'est pris les ailes dans l'horizon
Même le vent s'écrase au ras des pierres
Chaque heure en grinçant me balafre un peu plus le cerveau
Une peur titube au pied d'un mur
Avec dans les yeux
Quelque chose qui me ressemble
J'affronte ce regard viscéral
Mais je détourne mon frisson
J'effeuille mes doigts pour l'amour du silence
La nuit est pourtant simple
Mais sans l'étalon de tes paupières
Sa démesure me noie
(Béatrice Kad)
Voie obscure du silence
sur ton écriture criblée de cris
nos yeux se posent
élucidant la raison
que rature le rêve
(Frank HOLDEN)
J'ai retracé dans mon extase le déjà vécu
mais jamais je ne jouerai son rêve
Par quel mutisme passe l'heure
Les lèvres s'éloignent une fois de plus
Jamais je n'en sentirai l'arome
Ne cherché-je pas depuis une nuit
un passage dans les cotonnades ?
Au-delà d'un amas de mousse un autre jour flotte
Ainsi depuis le commencement du conte
je pénètre ma pensée dans l'espace et le temps ....
(Concerto pour marées et silences,1974 - Pierre ESPERBE)
POUR QUE RIEN N EN RESTE
Avec autant de lenteur composée qu'un chat
(il semblait avoir étudié tels secrets)
l'homme déchira le brouillon
de sa vie.
Jetées les miettes qui dansèrent au vent
il s'éprit d'une statue de rencontre _____
puis en adopta librement la pose
sans regret.
(Plaise aux souvenirs, 1972 - Jean-Paul MESTAS)
LE CRI
Seul le mot
retient le silence
( Claudine Helft )