Je viens de faire mon testament.A quoi bon?Je suis condamné aux frais,et tout ce que j'ai y suffira à peine.la guillotine,c'est fort cher.Je laisse une mère,je laisse une femme,je laisse un enfant.Une petite fille douce, rose, frêle de trois ans,avec de grands yeux noirs et de longs cheveux châtain.Elle avait deux ans et un mois quand je l'ai vue pour la dernière fois Ainsi après ma mort,trois femmes,sans fils,, sans mari,sans père;trois orphelines de différentes espèce;trois veuves du fait de la loi.J'admets que je sois justement puni;ces innocentes,qu'ont-elles fait?N'importe,on les déshonore,on les ruine.C'est la justice.
Tout est prison autour de moi; je retrouve la prison sous toutes les formes, sous la forme humaine comme sous la forme de grille ou de verrou.Ce mur c'est de la prison en pierre; cette porte c'est de la prison en bois; c'est guichetiers c'est de la prison en chair et en os.la prison c'est une espèce d'être horrible, complet indivisible, moitié maison, moitié homme
Condamné à mort !
Voilà cinq semaines que j’habite avec cette pensée, toujours seul avec elle, toujours glacé de sa présence, toujours courbé sous son poids !
Autrefois, car il me semble qu’il y a plutôt des années que des semaines, j’étais un homme comme un autre homme. Chaque jour, chaque heure, chaque minute avait son idée. Mon esprit, jeune et riche, était plein de fantaisies. Il s’amusait à me les dérouler les unes après les autres, sans ordre et sans fin, brodant d’inépuisables arabesques cette rude et mince étoffe de la vie. C’étaient des jeunes filles, de splendides chapes d’évêque, des batailles gagnées, des théâtres pleins de bruit et de lumière, et puis encore des jeunes filles et de sombres promenades la nuit sous les larges bras des marronniers. C’était toujours fête dans mon imagination. Je pouvais penser à ce que je voulais, j’étais libre.
Maintenant je suis captif. Mon corps est aux fers dans un cachot, mon esprit est en prison dans une idée. Une horrible, une sanglante, une implacable idée ! Je n’ai plus qu’une pensée, qu’une conviction, qu’une certitude : condamné à mort !
Je viens de m’éveiller en sursaut, poursuivi par elle et me disant : – Ah ! ce n’est qu’un rêve ! – Hé bien ! avant même que mes yeux lourds aient eu le temps de s’entr’ouvrir assez pour voir cette fatale pensée écrite dans l’horrible réalité qui m’entoure, sur la dalle mouillée et suante de ma cellule, dans les rayons pâles de ma lampe de nuit, dans la trame grossière de la toile de mes vêtements, sur la sombre figure du soldat de garde dont la giberne reluit à travers la grille du cachot, il me semble que déjà une voix a murmuré à mon oreille : – Condamné à mort !