Il est presque toujours faux, par exemple, qu’on ne puisse vivre sans quelqu’un. On était si sûrs, Juan et moi, de ne pouvoir vivre l’un sans l’autre – je me souviens comme mon âme mourait de faim si je devais passer plus d’un jour ou deux sans entendre au moins sa voix au téléphone – et regardez-moi ça : près de dix ans que je n’ai plus de ses nouvelles, et on continue tous deux à poursuivre notre brillante carrière.
(Cela m’est intolérable. Comment les gens font-ils pour le tolérer ?)
Quand on s’était rencontrés à la conférence d’Oslo, lauréats l’un et l’autre de prix littéraires, il s’était produit cette chose inouïe, sans précédent : la fusion du corps et de l’esprit. Ces divisions n’avaient plus d’importance, plus de sens. Ainsi tu m’aimes pour mon corps ? Mais c’est fantastique ! Ainsi tu m’aimes pour mon esprit ? Mais c’est extraordinaire ! Ainsi, tu es prêt à faire l’amour avec moi parce que tu as lu mon livre ? Tu trouves que ma beauté dénote assez d’intelligence pour justifier ton intérêt spirituel ? Tout cela miraculeusement mélangé. Qu’on soit ensemble était juste : c’était aussi simple que cela.