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EAN : 9782290052761
250 pages
J'ai lu (26/08/1999)
3.77/5   445 notes
Résumé :
"Je crois aux personnages de mon roman de la même façon que les paysans superstitieux croient aux fantômes, ou les mères en leurs enfants : non parce qu'ils espèrent en tirer quelque chose, mais parce qu'ils sont là : de façon aussi irréfutable que miraculeuse. Le désespoir est exactement aussi débile que l'espoir, ne voyez-vous pas ? La vérité n'est ni la lumière permanente éblouissante, ni la nuit noire éternelle ; mais des éclats d'amour, de beauté et de rire, su... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (42) Voir plus Ajouter une critique
3,77

sur 445 notes
Vite vite me débarrasser d'une critique à rédiger d'un roman que j'ai vraiment peu apprécié.
Décidément, Nancy Huston ne me convient guère de ces temps-ci, et « Instruments des ténèbres » est un roman qui enfonce. Dans le noir, le vide, l'obscurité, la fange. Et là, franchement, je n'ai pas besoin de ça pour le moment ! Ou du moins – car qui a besoin de pourriture – je n'étais pas prête à assumer le propos de cette histoire.

Deux époques : la contemporaine, où une narratrice-auteure de romans converse avec son « daemon » et lui narre son dégoût profond pour la vie, pour le fait de donner la vie.
« La nature, je m'en fous éperdument, le miracle de la vie ne me touche pas, la haine est une de mes grandes et belles spécialités intimes. »

Et puis, intercalée, l'époque du 18e siècle, avec l'histoire de jumeaux orphelins dès la naissance. L'accouchement d'ailleurs y est décrit en long et en large et rien ne nous est épargné. Puis le destin du garçon et de la fille nous est conté, sans nous éviter moults détails très triviaux.
Il y est question de viol, de mort, de torture, de pauvreté crasse, de famine, et j'en passe.

J'ai bien compris que la narratrice moderne voulait montrer que les histoires qu'elle invente servent d'exutoire à toute la violence qui s'est heurtée à sa vie.

Mais voilà, je ne suis pas en état de supporter encore quoi que ce soit de boueux et d'immonde.
C'est très bien écrit, comme Nancy Huston sait le faire. Mais que c'est noir noir noir.
Peut-être quand même y a-t-il un peu d'espoir…
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Je connaissais Nancy Huston comme féministe, mais je découvre l'auteur avec ce livre bouleversant dont le sujet est la souffrance des femmes, ce bourgeonnement de la nature qui les condamne à être mère et condamnées comme mères. Deux histoires se répondent, l'une dans le présent de la narratrice et l'autre au XVII° siècle, quatre femmes, l'une qui meurt en couches, l'autre qui mène une existence libre et vide, après avoir avorté d'un petit garçon quelle aurait aimé, la troisième, accablée par l'amour d'un égoïste et les maternités, jusqu'à en devenir folle, la dernière, condamnée à mort pour infanticide. D'une écriture remarquable de force et de fermeté. Un cri.
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Étrange roman de Nancy Huston, où nous découvrons en alternance deux récits, celui de Nadia, écrivain cynique et vaguement tordue dans son carnet "Scordatura" ("discordance"), et celui de Barbe, l'héroïne du roman de Nadia, une petite paysanne française du XVIIIe siècle.
Je pense que ma lecture de l'oeuvre a été tronquée par le contexte dans lequel je l'ai découverte, à savoir celui de mon mémoire sur l'avortement en littérature. Je l'ai lu sous ce prisme, et je pense que c'est une lecture raisonnable mais il n'est pas impossible que j'aie laissé tomber des aspects importants du roman.

Ce qui fait la jonction entre l'histoire de Nadia et de Barbe, que pourtant tout oppose, c'est la maternité.
Nadia ne veut pas d'enfant, elle s'est débarrassée de chaque grossesse "comme des scarabées". Pourtant, l'un de ces foetus a résisté, s'est implanté dans son ventre... Ce presqu'enfant, elle n'en voulait pas et pourtant, le sentiment de maternité est monté en elle petit à petit...
Cet enfant avorté l'obsède, lui rend visite la nuit, occupe ses pensées...
Elle écrit l'histoire de Barbe, petite paysanne engrossée par son patron, comme une thérapie, pour mener à terme cette grossesse qu'elle même a interrompue. Je m'arrête ici pour ne pas en dévoiler la fin.

Il est très difficile de s'attacher aux héroïnes de Huston, je trouve. Elles sont froides, distantes, presque robotiques... Il faut vraiment les épier, les garder à l'oeil, pour voir surgir l'étincelle, la fragilité, qui les rend plus sympathique. Ou pas. Une héroïne n'a pas forcément à nous inspirer de la compassion.
Un très bon roman que je recommande. Assez dérangeant, il faut bien l'admettre, mais mon sujet de mémoire m'a habituée à bien pire que ça...
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Ce récit est divisé en deux parties bien distinctes, le "Carnet Scordatura" et "La Sonate de la résurrection".

Fin XXème à New-York, Nadia, une Américaine d'une cinquantaine d'années, fait de sa vie un bilan négatif qu'elle exprime à travers son journal intime le Carnet Scordatura. le récit se déroule sur une année. Elle vit une crise identitaire qui la pousse jusqu'à modifier son prénom de Nadia en Nada (rien en espagnol et si on lit le livre en anglais, la disparition du i « I » (le « je ») est particulièrement frappante. Nadia a un jumeau mort-né qu'elle appelle Nothing ses parents ne lui ayant jamais donné de nom. Elle cherche à s'effacer et se dédouble à travers son daimôn, une créature imaginaire avec qui elle dialogue tout au long du carnet. le daimôn porte un autre regard sur sa vie, il la pousse à affronter son passé et ses mauvais souvenirs. Elle se replonge dans son enfance rythmée par la mort de son frère jumeau, les violences du père, la dépression de sa mère. Ces retours en arrière se font de façon décousue mais ça ne nuit en rien au récit.
Parallèlement, Nadia écrit un roman La Sonate de la résurrection qui met en scène des jumeaux, Barbe et Barnabé, dans la France du début du XVIIIe siècle. Il est inspiré de faits réels, rapportés dans l'ouvrage d'André Alabergère Au temps des laboureurs en Berry, un recueil d'archives anciennes.
Les jumeaux forment un couple d'opposés et pas seulement parce qu'ils sont de sexe différents.
Au fur et à mesure de la lecture, des correspondances entre les souvenirs de Nadia et le destin des jumeaux vont se dévoiler.
On retrouve dans ce récit les thèmes chers à Nancy Huston : la rupture entre la mère et l'enfant, la musique, la crise identitaire , le dédoublement et la pensée féministe. Car, au-delà du récit, fort bien mené en passant, dans ce livre, Nancy Huston aborde une position féministe. En filigrane, on peut y lire que le sort des femmes n'a pas changé malgré les siècles, que la violence qui leur est faite reste la même car le sexisme et d'autres violences sont toujours d'actualité. La condition de la femme est marquée par la maternité. . Les époques changent mais l'avortement reste une affaire de femmes et une épreuve (Nadia et Barbe manifestent toutes deux un amour absolu pour cet enfant qu'elles ne peuvent pas garder d'où la souffrance). Et malgré les années passées entre 1996 (la date de parution du roman) et aujourd'hui, le peu de compassion envers les femmes qui refusent la grossesse est toujours présent et le droit à l'avortement n'est toujours pas accepté par certains.


On peut aimer ou détester les livres de Nancy Huston mais on ne peut nier la qualité de son écriture et son art à manier la dérision et l'humour grinçant. Pour preuve cette réponse de Stella, amie de Nadia, qui, comme Nadia se plaint de l'absence de jugement dernier qui lui permettrait de solder ses comptes une fois pour toute, lui dit : « Je sais, c'est dur…. Mais ce n'est pas parce qu'il n'existe pas de Démerdeur Suprême qu'on est obligé de rester dans la merde ».
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« La nature, je m'en fous éperdument, je n'ai jamais collectionné de feuilles, même pas étant enfant, même pas de cailloux – qu'on se trouve au printemps ou en automne ou en hiver m'est parfaitement égal, le miracle de la vie ne me touche pas, la vie qui bourgeonne, évolue, explose et change, les boutons de fleur qui enflent et éclosent, ces choses me laissent froide, alors que je ne suis pas une femme frigide, non, loin de là! »
 
Tout un début de roman! Qui annonce d'ailleurs le ton des 400 pages qui vont suivre… La plume de l'auteure est subtile et intelligente, elle manie habilement l'âme humaine, dans ses recoins les plus obscurs. Ces moments passés auprès d'elle sont toujours bouleversants et chargés émotivement. Je n'en suis pas à son premier livre, et je remarque que certains thèmes y sont récurrents : la maternité, la présence de la musique, la recherche du bonheur.  
 
Écrit sous la forme du roman dans le roman, il s'agit de l'histoire de Nadia, 49 ans, fraîchement divorcée de Per. Nadia, un prénom si simple, mais à la fois chargé de sens, car la narratrice ne manque pas de rappeler qu'il tire son origine du « néant ». Dire qu'on m'a fait croire toute ma vie que mon propre prénom, qui tire aussi son origine de « Nada », venait du russe « espoir » ou de l'arabe « fraîcheur de la rosée ». J'en pleure!!! Quel désillusionnement! Significativement moins glamour… Bref… Nadia est l'« instrument désaccordé » (Scordatura) d'une famille dysfonctionnelle. Sa mère était musicienne avant de sombrer dans la folie et le délire. Avec son père, un homme violent, elle a sa vie durant entretenu une relation malsaine, jusqu'au jour où s'effondre l'illusion du père idéal. Elle a un jumeau, Nathan. Et quelques souvenirs, « des images au formol », qui ne changent pas, et qui se trouvent dans les parties anesthésiées de son âme.     
 
« Mais pourquoi me semble-t-il toujours que les choses se fanent, se flétrissent et se meurent, s'éloignent de nous, s'étiolent, s'écroulent – pourquoi cette perte perpétuelle et sans merci, incontestable malgré toutes les preuves du contraire ».
 
Écrivaine, Nadia fera le point sur sa vie à travers son personnage de Barbe, en qui elle se reconnaît. Cette dernière aura aussi un frère jumeau, Barnabé. Si les actes de leur histoire sont vécus différemment, les séquelles en sont les mêmes, des traumatismes ineffables. Barbe est orpheline, Nadia l'est aussi, en un sens. Qu'elles aient été violées ou incomprises, cet enfant naissant en chacune d'elles ne sera pas désiré. L'avortement sera la conséquence d'un acte désespéré plus que d'un manque d'amour. Les répercussions : deux femmes, issues de deux époques, mais toutes deux futées et vives, méfiantes, vivantes, fragiles, farouches, colériques… Et dont le destin sera tracé sur des chemins sinueux.
 
« Fermant les yeux, Barnabé prend son souffle et laisse couler de sa gorge des sons de miel pur : notes liquides, chaudes et dorées, jamais les tympans de Barbe n'ont été ainsi caressés. Un frisson la parcourt tandis que, percluse d'amour, elle dévisage son frère » 
 
Voilà, j'en ressors un peu ébranlée. L'abandon est au coeur de ce roman, aussi fragile qu'une goutte d'eau dans le souffle du vent. Chaque personne contient son univers de peur, de colère et de douleur. Les deuils sont inévitables, aussi incontournables que les hauts et les bas de la vie. C'est ce que Nancy Huston nous rappelle avec force.
Lien : http://www.lamarreedesmots.c..
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Citations et extraits (42) Voir plus Ajouter une citation
... Passant de l'harmonie à la dissonance, de l'accord au désaccord... Ecoutez, sérieusement. J'en ai fini avec les jamais et les toujours, les tout et les rien. Dorénavant j'embrasserai les mixtures, les choses mitigées, et me contenterai de morceaux de perfection (comme on dit morceaux de musique). L'Enfer et le Paradis sont tous les deux ici, sur Terre. Nulle part ailleurs. Nulle part ailleurs. Datmôn, vous ne voyez pas? Jamais vous ne l'emporterez. Toute résolution de désespérer est annulée en un clin d'oeil par le visage d'un enfant, le sourire d'une amie, la beauté d'un poème, d'un tableau ou d'une fleur...non parce que ces choses sont une raison d'espérer (ne vous en faites pas, je n'irai pas jusque-là!) mais parce qu'elles sont. Point à la ligne. No future. Je crois aux personnages de mon roman de la même façon que les paysans superstitieux croient aux fantômes, ou les mères en leurs enfants ; non parce qu'ils espèrent en tirer quelque chose, mais parce qu'ils sont là: de façon aussi irréfutable que miraculeuse. Le désespoir est exactement aussi débile que l'espoir, ne voyez-vous pas? La vérité n'est ni la lumière permanente éblouissante, ni la nuit noire éternelle; mais des éclats d'amour, de beauté et de rire, sur fond d'ombres angoissantes; mais le scintillement bref des instruments au milieu des ténèbres (oui, car la musique ne se perçoit que grâce au silence, le rythme grâce à l'étendue plane); mais des rayons de soleil s'infiltrant entre les planches pourries des latrines où Barbe et Barnabé viennent de s'embrasser pour la dernière fois...
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Ah ! La complexité insondable de ces interactions humaines, chacun de nous se baladant avec ses petits critères selon lesquels on juge les autres, tout en s’efforçant de répondre à leurs critères à eux – mais discrètement, sans en avoir l’air, en faisant semblant de n’être que soi-même et de n’avoir besoin de l’approbation de personne… Il n’y a aucun étalon-or, rien que ces perpétuels glissements, rajustements et compromis, chacun agitant absurdement le pied dans l’air à la recherche d’un bout de terre ferme où le poser.
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J'ai peur des autres, de leurs mondes, de tous leurs mondes... Quand je les croise dans la rue, je vois la souffrance dans leurs yeux et elle m'envahit, je n'arrive pas à me protéger d'elle, c'est comme si je n'avais pas de peau, leur douleur me frappe comme une décharge électrique et je n'arrive pas à la mettre à la terre, je ne peux que frémir et frissonner en attendant de me retrouver seule, ça me rend folle de penser que chacun de ces êtres contient un univers de peur et de douleur et de colère, il y en a trop, trop (...) des milliards de gens en train circuler dans des magasins, des bureaux, des usines, des centrales nucléaires, la tête grésillant de soucis...
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Oui, l'humanité a besoin de vous tous, vous autres inexistants. Et elle a besoin de tous vos petits apprentis aussi : les sorcières, les prêtres vaudou, les poètes, les peintres et les fous qui, patiemment, inlassablement, amènent à l'existence des choses impalpables, accomplissent des miracles, réparent les jambes cassées et les coeurs brisés, soulagent la douleur, rendent suaves les larmes les plus amères, transforment l'eau en vin et la salive en nectar, muent la dure chair solitaire - par la magie d'une baguette, d'une flèche, d'une aiguille ou d'un poème - en or fondu.
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Mais nos cerveaux tiennent à nous sidérer ; ils connaissent, eux, les délices de la peur. Ils fabriquent à cœur joie de l'irrationnel, du rêve, du sortilège. Ils chérissent les ombres : car ce sont elles qui leur permettent de voyager dans le temps et dans l'espace. Comment ne pas croire à la transmigration de l'âme ? Il nous suffit de fermer les yeux, de prendre notre souffle – et hop ! nous voilà en train d'être aspirés telle une sorcière par la cheminée... ou de dégringoler telle Alice dans un terrier de lapin... ou de voler à travers les airs comme Peter Pan, ou le père Noël ou Sindbâd le Marin !
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Vidéo de Nancy Huston
Elle s'appelle Francia après s'être appelée Ruben, là-bas, dans son pays, en Colombie. Devenue femme, Francia est prostituée au bois de Boulogne. Dans son nouveau roman tout en justesse et en sensibilité, à travers ce personnage, Nancy Huston nous raconte le quotidien de la prostitution, entre larmes et espoirs.
Retrouvez l'émission intégrale sur WebTvCulture
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