Il poussa l’interrupteur et les spots au-dessus du miroir éclairèrent brutalement la scène qu’il redoutait. Le sang sur le carrelage, et la gorge de Karine, ouverte sur une plaie béante. Un cri monta du fond de ses entrailles. Un cri d’une telle violence qu’il ne put exister dans le réel, et seul un gémissement franchit sa bouche. Un gémissement pitoyable. Celui d’un chiot face à l’orage, celui d’un homme face à un cataclysme qu’il ne maîtrisera pas. Incapable de se tenir debout, il se laissa glisser auprès de celle
qui l’accompagnait depuis plusieurs mois. Son regard s’attarda sur la main de la jeune femme, celle qui étreignait le rasoir de son grand-père. Elle semblait s’être donné la mort et ses yeux fixaient l’éternité, mais il sut immédiatement qu’elle ne s’était pas suicidée. Elle était gauchère, et la main qui tenait le rasoir était celle où elle portait la bague qu’il lui avait offerte le lendemain de leur rencontre, tant il était sûr qu’elle était celle qu’il attendait. La main droite.
Quand elle me demande si je veux savoir comment elle sait ce que ça veut dire abusé, elle a un peu des larmes au fond des yeux qui vont couler bientôt, alors je dis que je veux pas savoir.