Ce livre invite précisément le lecteur à partir à la rencontre de salariés qui racontent leur travail. Nous voulions rencontrer une diversité d’expériences et comprendre ce qui se joue dans le travail aujourd’hui. Quels regards des salariés portent-ils sur leur travail ? Comment a-t-il évolué ? Comment peuvent-ils intervenir sur lui, sur ses conditions ? Comment voient-ils l’organisation de leur travail ? Comment envisagent-ils de poursuivre leur emploi jusqu’à bien plus tard que ce qu’ils avaient prévu ?
Le premier consiste à adapter l’outil syndical à la structuration des entreprises, aux usages par les grands groupes des sous-traitances en cascade, des filiales, des « franchises », à leur recours à l’externalisation de la main-d’œuvre vers des petites entreprises où les salariés sont encore plus exposés aux différentes formes de précarité. Le second passe par un renouveau des pratiques de représentation afin de réfléchir à la façon dont le syndicalisme en tant qu’espace social est lui-même traversé par différents rapports de domination (rapports sociaux, de sexe, de classe, racialisés, mais aussi générationnels). Et le troisième défi, indissociable des deux premiers, est justement celui de partir du travail comme expérience concrète, individuelle et collective, expérience profondément ambivalente et contradictoire dans le cadre du rapport salarial, pour faire de la connaissance pratique des travailleurs le fil d’un nouveau projet d’émancipation
Il ne s’agit pas pour les syndicalistes d’être des experts, reconnus comme tels par les parties adverses ou les autorités publiques, d’être des professionnels de la représentation. Il s’agit au contraire d’être les chevilles ouvrières qui vont faire émerger cette parole individuelle des salariés pour construire du collectif, pour mettre en œuvre une démarche réflexive sur le sens de leur travail, mais aussi sur les façons de produire des biens et des services, sur leurs usages. En faisant de la connaissance que les salariés ont de l’organisation du travail et des savoirs pratiques qu’ils ont développés pour améliorer celle-ci, le socle de l’action syndicale, l’objectif consiste à profondément renouveler celle-ci et à la démocratiser.
Faire parler du travail comme activité concrète, comme rapport social, comme source d’exploitation et de dominations multiples, mais aussi comme réalisation de soi : voilà le défi auquel s’est attelé Nicolas Latteur dans ce livre très attachant, aussi riche à mes yeux qu’important.
C’est à un vaste voyage dans la condition salariale que le lecteur est convié. Celle-ci est généralement soit ignorée soit naturalisée pour décrire l’emploi et les conditions de travail
Il n’y pas de politique démocratique sans intervention des populations dans le champ où se règle leur propre destinée