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Critiques de Nicolas Mariot (11)
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L'attestation

Au printemps 2020, une expérience grandeur nature de production de l’obéissance collective a eu lieu en France, pendant 55 jours : l’attestation à remplir, complément coercitif de l’enfermement national, soumit aux mêmes interdits et aux mêmes vérifications tout le monde, sans distinction. Théo Boulakia et Nicolas Mariot se penchent sur la production du conformisme et son ancrage social, à partir des pratiques et non des opinions. De la claustration totale au refus des règles, ils étudient les lignes de conduit des confinés, soumis à une surveillance de masse sans équivalent en Europe ni dans le monde.

(...)

Cette étude rigoureuse, exhaustive et largement accessible permet de confirmer et préciser certaines intuitions, certains ressentis. Loin d’être anecdotique, cette « expérience d’obéissance de masse » aura certainement laissé des traces qu’il est bon de comprendre et identifier afin de pouvoir s’en défaire.



Compter rendu (très) complet sur le blog de la Bibliothèque Fahrenheit 451 :
Lien : https://bibliothequefahrenhe..
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L'attestation

C'est le genre de bouquin qu'on aimerait que tout le monde lise. Ecrite par deux sociologues qui ont étudié cette incroyable période du confinement que nous avons vécue et aussitôt oubliée, l'enquête menée auprès d'un panel conséquent de Français est absolument passionnante.



Cette période, nous l'avons depuis occulté, nous n'y pensons plus, personne n'en parle. Et pourtant ? Est-il anodin de supprimer du jour au lendemain, pendant deux mois, l'une des libertés les plus fondamentales, celle de sortir de chez soi, de se promener, d'aller et venir comme bon nous semble. Certes non, et l'autoritarisme et l'arbitraire que nous avons tous subis ne présagent rien de bon pour l'avenir.



Les auteurs commencent par une définition du confinement (il faut savoir en effet de quoi on parle) puis, par un tour d'horizon mondial des différentes formes que le confinement a pu revêtir selon les pays, de la manière dont certains pouvoirs autoritaires s'en sont servis pour mater les contestations du régime, remplir les rues de militaires surarmés pour faire respecter le confinement le plus strict. Comment dans certains pays, rares heureusement, la police a été autorisée, et même encouragée à tirer, sur (et donc à tuer) ceux qui ne respectaient pas le confinement.



Et la France dans tout cela ? Par une analyse pertinente de ce qui était autorisé ou non dans les différents pays européens pendant la même période et les moyens donnés pour faire respecter les directives de l'Etat, les auteurs montrent que l'on peut classer les pays selon l'étendu des interdictions et le degré de répression sur la population. Surprise, la France avec l'Italie et l'Espagne est sur le podium. L'Europe du sud, que les stéréotypes qualifient souvent de latine, laxiste et bordélique, est en tête (et largement) alors que les pays du nord (Allemagne, Pays-Bas, Royaume-Uni, pays scandinaves) ont appliqué un confinement souple (très souple même, parfois même inexistant) où le droit de sortir de chez soi, d'aller dans les parcs, de faire du sport, etc, n'a jamais été interdit.



Enfin, dernière démonstration très impressionnante, il y a une corrélation entre le nombre de policiers d'un pays et la dureté du confinement. Là encore, nous n'avons pas de quoi, hélas, nous vanter de notre classement…



En passant, les auteurs montrent que les résultats en matière de lutte contre le covid n'ont pas été plus mauvais dans ces pays du nord de l'Europe que dans ceux du sud, et même souvent meilleurs. du reste, par une autre approche liant indice d'enfermement et excès de mortalité, ils montrent où passer le prochain confinement si une telle période se reproduisait. Ne restez pas en France, mieux vaut aller au Danemark ou au Japon, évitez le Pérou ou l'Espagne…



Après cette longue mise en bouche, l'enquête en France commence en rappelant d'abord la soudaineté du confinement (une semaine avant de confiner, le président allait au théâtre avec son épouse en disant aux TV qu'il ne fallait surtout pas que les Français s'interdisent de vivre et de sortir…) et le bricolage, jour après jour, de ce confinement, qui n'a cessé de se durcir. Ils dissèquent la fameuse attestation, dont les autorités nous ont délivrée plusieurs versions, et à chaque fois plus restrictive. Sans parler du flou juridique et de l'obscurité de certaines formulations, sujettes à interprétations multiples à la base de l'arbitraire de nombreuses verbalisations de la police et de la gendarmerie. Rappelons ce chiffre : en deux mois, de la mi-mars à la mi-mai, 21 millions de contrôles et 1,1 millions de verbalisations. Des chiffres inouïs.



Dans un chapitre très instructif, les auteurs montrent que c'est à la campagne que les contrôles ont été les plus nombreux (par les gendarmes qui n'avaient plus que cela à faire) mais que c'est en ville qu'on a le plus verbalisé (par la police). Ainsi, c'est dans le Lot, la Sarthe, la Dordogne, la Creuse, etc que l'on a le plus contrôlé (par les gendarmes) mais que c'est en Seine-Saint-Denis, Bouche du Rhône, Val de Marne, Haut de Seine, etc que l'on a le plus verbalisé (par la police). Ainsi, à la campagne, la gendarmerie occupe le territoire, quadrille et contrôle sans arrêt, mais punit peu. A l'inverse, dans les villes, et en particulier dans les départements les plus pauvres de France, la police est moins présente, contrôle peu, mais punit à tout va. L'arbitraire et l'absurdité de certaines de ces verbalisations liées à l'interprétation par le policier de la fameuse attestation se retrouvent dans les témoignages de nombreuses personnes verbalisées.



Il est montré, chiffres et cartes à l'appui, que la verbalisation a été particulièrement active dans les villes où les maires sont des obsédés de la surveillance tout azimut de la population, où le taux de caméras de surveillance est élevé par nombre d'habitants et où une police municipale pléthorique avait été recrutée. Exemple à Cannes, au bout de 3 semaines de confinement, la police municipale avait contrôlé 9000 personnes, soit 10% de la population, et 22% d'entre elle avaient été verbalisés. Partout on retrouve cette corrélation entre le taux de contrôle et de verbalisation et l'obsession sécuritaire de certains maires.



Car c'est aussi un autre aspect de cette période. Carte blanche fut donnée aux préfets pour durcir le confinement, ajouter des interdictions à la liste des interdictions, et de nombreux maires ont suivi ajoutant eux-mêmes des interdictions toutes plus folles l'une que l'autre. La surenchère répressive s'est affirmée en certains endroits spécifiques, bafouant le droit, en particulier dans les régions urbaines pauvres, où toute la panoplie de surveillance a été utilisée (drones, hélicoptères, caméras, reconnaissance faciale, trackage GPS, etc). La délation a été encouragée et la police a été inondée de lettres de dénonciation, des bons français dénonçant de mauvais Français (ce qui rappelle une période bien triste de notre Histoire…).



L'enquête a porté sur la manière dont les Français ont vécu le confinement. Un questionnaire et des entretiens ont été conduits qui permettent de classer les français en plusieurs catégories. On peut contester la pertinence de ce classement, mais il permet a minima de regrouper des comportements et de les analyser conjointement.



Avant toute chose, il faut signaler que de très nombreux Français, bien qu'ayant signé leur dérogation de sortie en toute bonne foi, ont eu peur d'être arrêtés, vérifiés et verbalisés. L'arbitraire de certaines verbalisations y est pour beaucoup, mais aussi le fait que la sortie étant dérogatoire, la règle étant de ne pas sortir de chez soi, l'impression ou la peur d'être considéré comme un suspect potentiel, d'être a priori en faute ou de tricher, fut très prégnante. Cette impression à vrai dire n'en était pas une, car elle correspondait à la manière dont la police a pensé sa mission. Uniquement sur le volet répressif : toute personne dehors était un tricheur potentiel.



Voyons donc ces catégories qui sont au nombre de six : les claustrés, les exemplaires, les légalistes, les insouciants, les protestataires, les réfractaires. Leur dénomination permet en partie de comprendre comment les Français ont réagi à cette brutale suppression d'une de leur liberté élémentaire. En partie seulement, et pour en savoir plus, il faut lire les longs développements qui les détaillent. Cette recension est déjà assez longue et je laisse au futur lecteur de l'ouvrage le soin de les découvrir par lui-même (et de voir dans quelle catégorie il se situait).



De multiples témoignages de Français ordinaires (des gens comme vous et moi), confrontés soudain à l'impensable, sont restitués pour permettre, en fonction de leur catégorie, de mieux appréhender et percevoir leurs réactions et leurs comportements multiples.



Le dernier chapitre révèle l'ampleur d'un des aspects les plus néfastes de ce confinement : le sort des femmes. Celles-ci sont beaucoup moins sorties que les hommes. L'analyse assez longue et argumentée en donne plusieurs explications, très pertinentes, dont toutes reflètent les tares de notre société patriarcale. Notons à ce propos que les conjoints maltraitants, toujours désireux d'enfermer leur femme, se sont retrouvés être de remarquables auxiliaires de police pour les séquestrer à la maison. Et les violences conjugales ont augmenté dans des proportions impressionnantes.



Je n'ai fait ici qu'effleurer ce gros travail universitaire, cette analyse sociologique basée sur des entretiens et des questionnaires et aussi (au début) sur la mise en forme de multiples bases de données européennes et mondiales. C'est un livre qui fera date dans la mesure où il permettra plus tard aux générations futures, avec d'autres travaux, de comprendre ce qui s'est passé à cette époque, une expérience de masse de suspension des libertés et d'obéissance collective.



On ne peut que songer avec effroi, alors que notre gouvernement actuel court de plus en plus après l'idéologie de l'extrême droite, appliquant une partie de son programme xénophobe au prétexte absurde d'empêcher celle-ci d'arriver au pouvoir, que tout cela ne fut peut-être qu'une répétition de ce qui nous arrivera un jour.





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Histoire d'un sacrifice : Robert, Alice et ..

Une démonstration pas vraiment convaincante. On peut regretter la déconnexion avec les faits et événements auxquels Robert Hertz et sa femme ont été confrontés. Dommage, les protagonistes et le sujet méritaient mieux.
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Tous unis dans la tranchée ? 1914-1918, les i..

« Union sacrée » ou effacement du souvenir des distinctions sociales vécues au front ? En analysant le discours des intellectuels sur les autres classes sociales, Nicolas Mariot revisite le mythe de la Grande Guerre comme creuset patriotique. Une analyse à prolonger.
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Histoire d'un sacrifice : Robert, Alice et ..

C’est bien cette complexité poignante qui attrape le lecteur et ne le laisse plus en repos : le sentiment de pénétrer une âme, de saisir dans ses moindres finesses le temps intime où se « fabrique » l’élan total et absolu, le choix de la mort. Partout affleure le tragique.


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Histoire d'un sacrifice : Robert, Alice et ..

Un très beau livre de sciences sociales.
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Histoire d'un sacrifice : Robert, Alice et ..

Bouleversant.
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Tous unis dans la tranchée ? 1914-1918, les i..

Une enquête fouillée sur les «intellectuels» (universitaires, artistes, hommes de lettres, médecins, étudiants, etc.) qui vécurent au front au milieu du peuple'
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Tous unis dans la tranchée ? 1914-1918, les i..

Cette analyse très subtile et documentée des rapports sociaux parmi les combattants manquait à l'appel des grandes études sur 1914-1918, et Nicolas Mariot s'y attelle sans caricature sociologique, débusquant l'inversion des rôles et des responsabilités, la persistance des cultures et des modes de vie différents.
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Tous unis dans la tranchée ? 1914-1918, les i..

L’historien Nicolas Mariot souligne les disparités sociales dans les tranchées et la solitude des lettrés.
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Tous unis dans la tranchée ? 1914-1918, les i..

Nicolas Mariot interroge l'osmose présumée entre classes sociales sous les obus.
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