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Citation de Partemps


M. de Noyers à Poussin.
(Ms. 12347, fol. 3[1].)
[2][Coppie de lettre de Monseigneur[3] à M. Poussin. M. de Noyers le convie de venir en France, luy mande les conditions que le Roy lui fera.]

Monsieur,

Aussy tost que le Roy meust faict l’honneur de me donner la charge de Surintendant de ses batiments, il me vint en pensée de me servir de l’authorité qu’elle me done por remettre en honeur les arts et les sciences ; et comme j’ay un amour tout particulier por la peinture[4], je fis desseing de la caresser comme une maistresse bien aimée, et de luy doner les primices de mes soings. Vous l’avés sceu par vos amys qui sont de deça[5], et comme je les priay de vous escrire de ma part que je demandois justice à l’Italie, et que du moins elle nous fist restitution de ce que elle nous retenoit depuis tant d’années, attendant que, pour un’entière satisfaction, elle nous donat encores quelqun de ses nourissons. Vous entendés bien que par là je repetois Monsieur le Poussin et quelquautre excellent Peintre Italiam et affin de faire conoistre aux uns et aux autres l’estime que le Roy fesoit de vostre personne et des autres homes rares et vertueux comme vous, je vous fis escrire, ce que je vous confirme par celle-cy, qui vous servira de première assurance de la Promesse que l’on vous faict jusques à ce qu’à votre arrivée je vous mette en main les brevets et les expéditions du Roy : que je vous enverray mille escus pour les frais de votre voyage ; que je vous feray doner mille escus de gaiges pour chacun an, un logement commode dans la maison du Roy, soit au Louvre, à Paris, ou à Fontainebleau, à votre choix ; que je vous le feray meubler honestement pour la première foys que vous y logerez, sy vous le voulez, cela estant à votre choix ; que vous ne peindrés point en Platfonds ny en voûtes, et que vous ne serez obligé que pour cinq années ainsy que vous le desirez, bien que j’espère que, lorsque vous aurés respiray l’air de la patrie, difficilement le quitterez-vous.

Vous voyez maintenant clair dans les conditions que l’on vous a proposées, et que vous avés désirées. Il reste à vous en dire une seulle que je vous impose, qui est que vous ne peindrez pour personne que par ma permission ; car je vous faits venir pour le Roy non pour les particulliers, ce que je ne vous dis pas pour vous exclure de les servir ; mais j’entends que ce ne soit que par mon ordre. Après cela, venés gaiement et vous assurés que vous trouverés icy plus de contentement que vous ne vous en pouvés imaginer.

De Noyers.
De Ruel[6], ce 14e Janvier 1639.

A Monsieur Poussin.


L’original est perdu (il était sans doute dans les papiers de Poussin). Nous publions la copie du ms. 12347, que Chantelou avait eu la précaution de se faire donner, sans doute avant que le secrétaire de M. de Noyers n’envoie l’original. Félibien, qui avait eu communication des pièces de l’actuel ms. 12347, l’a publiée, t. II, p. 330.
Nous donnons, entre crochets, le sommaire que Paul Fréart de Chantelou a écrit sur la plupart des lettres de son illustre correspondant. Ces sommaires sont inédits.
François Sublet de Noyers, né vers 1578, d’une famille de finance. Il fut d’abord employé dans les finances, puis chargé des fortifications, secrétaire d’État à la Guerre en 1636, surintendant des Bâtiments, le 16 septembre 1638, disgracié le 10 avril 1643, mort le 20 octobre 1645. Nous préparons une étude sur ce collaborateur de Richelieu, qui fut le protecteur de Poussin. Selon Sauvai, les Chantelou étaient neveux de M. de Noyers.
On sait cependant que M. de Noyers a été accusé d'avoir fait détruire, par scrupule de conscience, la fameuse Léda de Michel-Ange, qui était conservée au château de Fontainebleau, dont il avait la garde (voir Roger de Piles, Vie des peintres, en 1699).
Les peintres Stella, Lemaire, Errard, etc., suppose avec raison H. Chardon.
Ruel, la maison de campagne de Richelieu, à côté de qui se tenait M. de Noyers. Jean Le Maire y avait peint une perspective de l’Arc de Constantin, dont on peut voir la gravure dans Champier et Sandoz, Le Palais-Royal, t. I, p. 33.
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