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Citation de Partemps


Poussin à Jean Le Maire.
(Ms. 12347, fol. 7[1].)
À Monsieur Le Maire, Peintre de Sa Magesté, aux Tuilleries, près le grand pauillion, à Paris[2].
Monsieur,

J’ay repceu la lettre du Roy avec celle de Monseigneur de Noyers, celle de monsieur de Chanteloup et la vostre. L’une et l’autre m’ont fait cognoistres apertement le bon prédicament auquel vous m’aués mis enuers tous ; et véritablemt l’onneur, les caresses et les offres que l’on me fet sont trop grands pour le peu de mérite que j’ay. Mais puisque dieu et la bonne fortunes le veut ainsi, l’on ne me sauroit tant faire de bien que je ne l’endure. Je me suis donc résolu de me partir d’icy, comme vous scaués, pour aler seruir mon prinse. Ce que j’aurois fet incontinent le beau temps venu ; mais après auoir considéré dilligemment toutes mes afferes, j’ay trouué qu’il m’est impossible de faire mon voyage plus tost que à l’automne prochain. Veu, outre mes autres affaires, que j’ai trois ou quatre tableaux commensés, sans parler de celui de monsieur de Chanteloup, lesquels il faus que je finisse, estant tous pour des personnes de considération desquels je veus sortir honnestement, comme de tous mes amis de par desà désirant d’en cõserver l’amitié et bienueillance. J’en escriray à Monsieur de Noyers ; mais je vous suplie de le prier encore, vous, d’auoir un peu de pasience, et de considérer que la délibération mienne et ses commandemens sont venus comme à l’impourueu, estans desià engagé dans les présentes affaires.

Je vous suplie au reste de me dire comme il vous semble que je m’aye à gouuerner enuers monsieur de Chanteloup, touchans son tableau. Il sera fini pour la mi-Caresme : il contient, sans le paisage, trente sis ou quarante figures, et est, entre vous et moy, un tableau de cinq cents escus comme de sinq cents testons. De sorte me trouuans son obligé maintenant je désirerois le recognoistre ; mais de luy en faire un présent, vous jugerés bien que ce seroint des libéralités qui me seroint mal séantes. J’ay donc résolu de le traicter comme homme à qui je suis obligé : et puis quand je seray de par delà, je scauroy forbien le recognoistre mieuss. Acommodés donc l’affaire avec luy comme il vous semblera à propos. J’en désirerois enquore deus cens esqus d’ici, fesant conte de luy en donner cent et plus : toutefois qu’il face ce qui lui plaira[3]. Car quand je luy escriray, je ne luy parleray d’autre chose, sinon que son tableau est fini, et qu’il ordonne ce que j’en auray à faire, et às qui je le dois conseigner, pour luy faire tenir. Vous me feriés ausi un grand plaisir, si vous pouuiés scauoir à quoy l’on me veut employer et quel desein a Monsieur de Noyers de faire rechercher de ce pays icy tant de peintres, sculteurs et architectes : mais je ne voudrois pas qun autre que vous seut ma curiosité.

Les choses que vous me demandés, comme l’azur et les autre choses, je vous les porteray, dieu aidans.

En la lettre que Monsieur de Nouyers m’a escrite touchans mes conditions, il en a oublié une qui est principale : car outre le voyage et les gages, il ne me parle point du payement de mes oeuures. Je croy bien qu’il enten aisi ; mais estant resté en doubte, je n’oserois en parler que à vous seul. C’est pouquoy je vous prie de tout mon coeur de m’escrire segrètement, comme vous croyés qui l’entends. Du reste toute mon affere va bien ; mais quand j’ay eu pensé au choix que me donne le dit Monseigneur de Noyiers[4] d’habiter à Fontainebleau ou à Paris, j’ay choisi la demeure de la ville et non point des champs, où principalement vous demeurés : car sans vous, cher ami, je vivrois déconsolé. C’est pouquoy vous prirés de ma part Nostre dit seigneur, qu’il luy plaise me faire ordonner quelque pauure trou, pourueu que se soit auprès de vous.

Du reste, je m’en vas mettre la main à la plume pour remersier Monsieur de Noyers et nostre bon ami monsieur de Chantelou pour qui je trauaille auec grand amour et soing et crois, dieu aydans, qu’il sera content de mon fet.

Je vous suis au reste obligé pour toute ma vie.

de Rome ce disneuf

de feburier 1639.

Poussin.
Deux ou trois mois deuant que de partir, je vous escriray de plusieur chose, et qui je méneray quand et moy, car plusieurs s’offrent.

J’escriray ausi à monseigneur de Noyers pour toucher un peu de quibus pour mon voyage. Du reste commandés icy que vous serés serui.

Dieu vous maintiene en vostre prospérité
jusques à ce que vous en soyés las[5].
Vous deués auertir Monseigneur de Noyers pours sons honneurs touchans les peintres Italiens que l’on mande pour aler en France, qu’il ni en face point aler de moins suffisants que les François qui y sont, car j’ay bien peur que les bons ni aillent pas, mais quelques ignorants autour desquels les François s’abusent très grossièrement, et dieu voille que aulieu di faire cognoistre la vray peinture, il n’ariue tout le contraire.

Ce que je dis c’est en homme de bien car je cognois for bien ce qu’il y a en leur sac.

L’original présente des corrections orthographiques, d’une encre plus noire que le texte de Poussin : accents, apostrophes, l’h du mot honneur, decà pour desa, etc. Ces corrections, bien inutiles, datent peut-être de la copie de 1755.
La correspondance de Poussin avec Jean Lemaire (le gros Lemaire) et les tableaux qu’il lui avait faits furent détruits dans un incendie du pavillon des Tuileries, où il demeurait (Gault de Saint-Germain, trad. des Mesures de l’Antinoüs, p. 5).
Phrase ajoutée, en très fin, dans la marge.
Dans les deux cas, Poussin avait d’abord écrit, peu lisiblement d’ailleurs, Lavrillière, puis il effaça et surchargea par : Noyiers.
Écrit à la façon d’un distique, avec beaucoup de marge à gauche.
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