Nicolas Ternisien

Aujourd’hui je vais évoquer En cabane à Bornéo récit de Nicolas Ternisien sous-titré Un voyage immobile. Le genre des récits de voyage est souvent l’occasion de convoquer des périples exotiques et originaux truffés d’anecdotes. Les titres sont tellement nombreux et le monde à découvrir par des explorateurs contemporains tellement restreint qu’il est parfois difficile de sélectionner parmi la pléthore d’ouvrages. Avec cet opus l’auteur choisit de se poser pendant un mois dans un lieu reculé et improbable et de se confronter à la nature et à sa propre solitude, loin du stress du monde moderne.

Comme le titre l’indique Nicolas Ternisien a décidé, en 2016 du 19 mars au 24 avril, de vivre une mise à l’écart aux confins de la partie indonésienne de Bornéo. Pour atteindre ce lieu où il va vivre en ermite il faut toute une logistique entre avion, bus et pirogue pour arriver à Pengerak. Ce n’est pas la première fois que l’aventurier trentenaire, baroudeur et vélo cycliste émérite se rend dans la région. Mais lui le voyageur chevronné cherche cette fois à se poser et à faire l’expérience de l’immobilité entouré de nature lacustre. A la saison où il va sur place les zones marécageuses sont submergées, il doit opter pour une cabane flottante sur pilotis. Le cœur de Bornéo est le second poumon de la planète et la déforestation pour les plantations de palmiers à huile est un véritable désastre. Au jour le jour en brefs chapitres chronologiques il évoque son quotidien, l’acclimatation à la nature d’une beauté envoutante et à l’inquiétude de ce milieu hostile pour le citadin français. En cabane à Bornéo ce sont aussi des moments d’introspection et de réflexion sur le sens du monde et de la vie. Pendant ce mois, posé et isolé du monde occidental trépidant (mais une partie de l’Indonésie l’est aussi malgré le portrait nonchalant des populations locales), à défaut de bouger l’auteur reste dans sa cabane et autour et lit beaucoup en alternance avec des moments d’écriture. Pendant quelques jours il expose son corps au jeûne et à ses effets. Son texte est nimbé de citations, en exergue des chapitres ou au fil des paragraphes ; il est dommage que les références ne soient pas fournies au lecteur curieux. Les descriptions de l’environnement sont précises, les tracas des insectes, des souris (un chat vient au secours de l’ermite pour dévorer les rongeurs gloutons) et des serpents sont explicités. Les conditions météorologiques sont parfois adverses avec une évolution rapide et surprenante du niveau du lac où Nicolas a établi son campement. Dans cette immobilité entourée des sons de la jungle, les couleurs sont importantes, tous les sens sont à l’affût. Les couchers de soleil sont un spectacle grandiose chaque jour renouvelé avec des teintes dont l’auteur dit qu’elles évoquent les toiles des impressionnistes. En conclusion de son récit il écrit : « bornée au Danau Sentarum, Bornéo fut hors norme. J’ai ce double sentiment contradictoire d’avoir vécu une expérience extra-ordinaire au sens occidental – littéral – du terme et pourtant marquée par la simplicité. Quel paramètre la rend si exceptionnelle ? Le manque de confort ? La difficulté pour s’y rendre ? Le lieu isolé cerné de nature ? La privation de tous nos jouets électroniques ? La quasi solitude ? Peut-être une pincée de tous ces éléments. »

En cabane à Bornéo est un joli récit de voyage, une expérience de mise à l’écart volontaire pour un laps de temps relativement court. En cela ce n’est pas comparable à l’enfermement monacal des religieux. Le résultat est très intéressant et les questions et réflexions que se pose l’auteur sont fort pertinentes. Un ouvrage plus ancien et plus directement exploratoire situé dans la même zone géographique est le passionnant et hilarant Au cœur de Bornéo de Redmond O’Hanlon.

Voilà, je vous ai donc parlé d’En cabane à Bornéo de Nicolas Ternisien paru aux éditions Elytis.


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