Nora Lebbos

Ton fric c’est celui que je te donne, c’est du noble, du sacré. Des gars entiers crèvent dans cette ville, toi et ta jolie gueule vivez au-dessus de la majorité qui se lève à six heures du matin pour aller faire son boulot d’esclave dans un bureau à la plaque dorée.

Margo arrête de balancer la tête, et le regarde de biais.
— No Name.
Arnaud se tend d’un coup.
— No Name, elle répète.
— Dis ce que tu veux.
— Je veux faire affaire.
— Ne parle pas d’affaire avec moi.
Margo se relève. Son port de tête est raide.
Elle enlève ses lunettes.
Ses yeux sont bruns tirant au noir, enveloppés par des cils longs et des sourcils assez larges dans un teint mat. Une profondeur insondable. Elle cligne à peine des yeux.
Il pense tout de suite qu’elle est sous une drogue.
— Ton patron, il t’envoie faire les sales coups et il ne te couvre pas. Il est en train de perdre du terrain, et tu le sais même pas. T’es mouillé jusqu’aux coudes et tu vas plonger avec lui.
Arnaud se contrôle. Parler de Félix comme ça, c’est signer son arrêt de mort. Mais ils sont en plein jour et il ne peut rien faire que retenir son envie de lui mettre une claque.
Il sonde l’espace autour d’eux, évaluant s’ils sont suivis par des gars à elle ou par des flics en civil. C’est peut-être un flic, elle a peut-être un micro.
— Les flics du 16 commencent à quadriller toutes les aires du business, ils sont reconnaissables à cent kilomètres et ils vont avoir bientôt de quoi se mettre sous la dent. Félix va plonger et il va acheter sa liberté, évidemment. Tu es un assassin. Tu penses bien que tu seras le premier à tomber avec lui. Si c’est pas lui qui te descend, ce sera des gars de son clan, t’as tellement d’ennemis. Combien ?