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Citation de Benedettinunzia


J’ai appris les crachins, les orages, les tempêtes… J’ai appris, non sans mal, à plier l’échine pour ne pas me briser, je me suis brisée quand même, maintes fois, avec la même naïveté stupide et étonnée. Mais je n’ai pas appris à me frotter contre mes semblables pour avoir moins froid ni à partager la sève terrible qui me soulève… Je n’ai pas pu parce qu’elle était là ! C’était mon Éden ou le sien ! Non ! Je n’avais pas le choix ! Il fallait que je répare tout ! Cette abominable erreur de distribution ! Elle avait tout ! Et surtout, perpétuellement, l’affiche d’un profond mépris à mon égard. Alors, ce sentiment immonde de désir empreint d’une irritation sourde et de haine solide, cette impression terrible, cette envie, cette jalousie lancinante, cette convoitise aveugle, s’est muée, lentement, mais farouchement, en un crabe abominable, un monstre en mon sein, bercé par la musique rythmée de mon mécontentement.
Cette frustration amère a grandi, sans faillir, elle s’est nourrie avec douleur de chaque rebuffade, digérant avec peine les lames et les bris de verre, les petites méchancetés et les grandes lâchetés ; forgeant un ressentiment acéré, au fil du temps, aux chocs des mots, au gel de mes larmes… Elle n’aurait pas dû me provoquer ! Pourtant, elle avait peur de moi, elle savait ! Après tout, c’était son œuvre ! J’étais venue sereine… Non ! Elle n’aurait pas dû ! Ce fut si bon ! Libérer la pression, ouvrir le flot à l’air libre, avec un tel rasoir, une telle détermination, je savais qu’elle plierait vite. Je ne m’attendais pas à cette pluie lourde, ce jet carmin, d’un seul coup, sur moi ! L’odeur métallique du sang m’excitait, exacerbait mon aveuglement froid. La gorge béante me souriait, ses yeux habituellement hautains se figeaient d’effroi, son sourire méprisant s’effaçait dans un rictus inoubliable… Ce fut une révélation ! Elle a souffert longtemps… sept à huit heures… un long râle délicieux à tous mes sens… une agonie formidable… une doucereuse souffrance… Je l’ai longtemps regardée… allongée dans une flaque rouge et sombre…
C’était bien !… J’ai pris le temps de tout lui dire, calmement, posément. Tranquillement, sans émotion, j’ai énuméré chacune des blessures, chacune des entailles qu’elle avait imprimées sur ma chair d’enfant… Je me suis sentie plus légère dès lors !
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