Il me faut raconter quelque chose « d'avant », d'avant la guerre. Mais je ne me souviens de rien d'avant la guerre, comme si ma vie avait commencé ce matin de 1939 : les sirènes sonnaient, mugissaient, et tout à coup j'ai pris conscience de la guerre. J'ai crié : « C'est la guerre ! » Ma sœur m'a secouée : « Mais oui, c'est la guerre, on le sait. Pas la peine de crier comme ça ! » Malgré moi, les mots, les cris sortaient de ma gorge, je n'y pouvais rien, peut-on s'empêcher de vomir ? C'était là-dedans, ça faisait mal et ça devait sortir. Je hurle : « C'est la guerre, c'est la guerre ! », et les sirènes hurlent aussi : « C'est la guerre, c'est la guerre ! » Et Papa n'est pas là, il est à la guerre…
« Maman ! » Déjà ma tête roule contre son corsage et ses mains me caressent, oh, la douceur des mains de Maman… « Calme-toi, mon tout petit, oui, c'est la guerre, mais je suis là, ta sœur est là… » Papa n'est pas là.