Ce petit livre se déguste page après page. L’auteure recrée par ses mots simples et directs son univers familial et fait partager au lecteur ses souvenirs ancrés dans une époque ( qui démarre dans les années 60). Le livre se compose de deux parties : la narratrice est allée puiser dans les choses et les mots du quotidien pour décrire le couple de ses parents, Robert et Lucienne, puis un deuxième couple, celui que Robert formera avec une autre Lucienne après la mort de la première. Deux ambiances, et de la bienveillance, beaucoup de bienveillance, sans mièvrerie aucune. Le lecteur n’est pas voyeur. Il est en empathie avec les personnages. Des personnages issus de la campagne (Le potager est à l’honneur dans les deux phases de la vie de Robert) touchants. Les pages qui décrivent la progressive descente aux enfers de la première Lucienne sont particulièrement fortes .La narratrice reste en retrait. Chacun des courts chapitres, sous forme de fragments réalistes permet au lecteur d’avancer dans la connaissance de Robert et des deux Lucienne que l’on quitte avec regret
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Le 10 juillet 2007, " temps couvert... pas de vent " sont les derniers mots écrits par Robert, largement octogénaire, dans un des carnets qui l'ont accompagnés toute sa vie. Il y note des réflexions personnelles, d'apparence souvent insignifiante comme la météo du jour, qui prennent tout leur sens pour un homme d'extérieur qui a toujours cultivé un voire plusieurs potagers.
Des vacances d'enfant unique en Corrèze dans les années 50, les grands parents des branches paternelle et maternelle, une mère déjà difficile à vivre qui sombre peu à peu, les pouces verts et l'incroyable ardeur au travail de son père... il est difficile de ne pas y voir un roman autobiographique. A 39 ans, Lucile, célibataire sans enfant, voit s'installer dans la maison familiale une belle-mère prénommée Lucienne comme sa défunte mère. La seconde Lucienne de son père est tout l'opposé de sa première épouse, jalouse, vindicative et querelleuse. Lucienne, mère de famille et grand mère comblée, arrondit les angles, concilie les antagonismes, mène doucement Robert vers ses points de vue, parvient à se faire apprécier par l'enfant du premier lit.
La prose d'Odile Gapillout est fluide, engageante, presque surannée. Le début m'a paru un peu décousu parce que je ne comprenais pas où elle voulait en venir, avec ses courtes réflexions introduites par un titre, des brèves à la manière de Philippe Delerm, mais ensuite j'ai vu se dessiner une histoire. Je ne me souvenais plus exactement du résumé (handicapée par le format numérique où il n'y a pas de quatrième de couverture) et j'ai donc pu me laisser doucement guider par l'auteur dans sa recherche du temps perdu. De clichés en brefs instantanés, rebondissant par petits textes concis dont la mosaïque finit par dessiner une cartographie familiale complète, l'auteur rappelle le souvenir des siens à la manière de photos passées. Pétri d'indulgence et de sagesse, son roman se lit comme une succession de petits bonheurs.
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