Olivier Courtois

- Je ne vois aucun bistro.
- Nous sommes devant un bistro.
- On dirait une pharmacie !
- Les bars aussi changent, ils s'aseptisent comme tout le reste

Le chef d'équipe avait vu passer tant d'intérimaires qu'il m'installa devant une machine sans même me demander mon prénom. A l'usine l'intérimaire est d'abord une fonction et son prénom seulement une option.
(la revue dessinée n°6 hiver 2014/2015)

Les personnages d'Émile Zola sont plus malheureux encore, ceux de Germinal m'ont dit qu'ils mangeaient une pomme de terre les jours pairs et ses épluchures les jours impairs

la justice n'est ni juste, ni injuste, elle est mathématique

- Je préfère les erreurs de mon pays qui agit à l'orgueil du tien qui pérore !
- Et moi je préfère la clarté de ma haine pour Bardamu à la perversité de ton amour pour Dean!
- Si tu penses que seuls l'amour et la haine dirigent le cœur des hommes, tu n'es qu'un nain affectif et il serait temps de grandir un peu pour découvrir des sentiments aussi nuancés que l'admiration, la gratitude ou la tendresse. - Je n'ai pas besoin de citer un chapelet d'émotions pour les éprouver, on appelle ça la pudeur, un mot qu'un homme qui n'évoque son amitié pour Dean qu'à l'aide de souvenirs de vapeurs d'alcool et d'odeurs de femme ignore sans doute.

« Comment vivent les hommes ?
– Regardez-les par la fenêtre.
– Où vont-ils ?
– J'imagine qu'à cette heure, ils vont bosser ou faire des courses ; Dean, lui, je ne l'ai jamais vu partir au bureau ou au marché, et savez-vous pourquoi ? parce que les écrivains sont les seuls capables d'inventer des existences où on ne part pas travailler chaque matin.
– Nos auteurs travaillent pourtant comme les autres pour écrire leurs bouquins.
– Parce qu'ils n'osent pas vivre comme leurs personnages, mais ils les imaginent, ce qui n'est pas rien. Dans un monde où tous les hommes vont aux mêmes heures aux mêmes endroits, les écrivains montrent des existences qui ignorent nos contraintes les plus communes. Si vous observiez chaque jour le monde par cette fenêtre, vous verriez des centaines de chauffeurs de taxi, de quincailliers, de putes ou de pasteurs, mais vous ne verriez pas un seul Dean Moriarty. Les écrivains proposent d'innombrables vies au public, mais les hommes reproduisent sans cesse le même modèle qui les jette tous les matins dans la rue pour subir des journées prévisibles.
– La littérature ne change pas la vie des gens.
– Elle ouvre pourtant d'innombrables routes. »