C’est un curieux et splendide voyage auquel nous invite Padrig Moazon, un voyage entre deux eaux, entre deux brumes et entre rêve et réalité dans ce pays Pagan du nord Finistère où « le regard se cogne aux rochers et aux bateaux »
Le poète nous mène d’île en île, car l’île n’est jamais la même. Les navires croisent au large de ces « îles numérotées », ils naviguent « vers des caps de certitude » tandis que les gens d’ici « ne sont que passagers de l’île ».
L’île n’est jamais déserte, elle peut même, hélas, se transformer en paradis fiscal. Elle est pourtant toujours la même, cette île « assignée à résidence » tandis qu’on l’aborde ou la quitte sur les bateaux en partance.
L’île a tant de facettes différentes à nous offrir, un coin de terre qui partage son silence avec ses habitants taiseux. Et si elle rêve parfois, elle ne connait pas grand-chose de ses contours
« Les rivages de l’île imposent-ils leurs limites terrestres
Ou soulignent-ils le début de l’immensité marine »
Nature changeante, omniprésente à chaque page, ses silences écorchés par le cri des verdiers ou des tadornes.
Le poète aborde aussi le thème de l’écriture
« Ecrire ça ne dure qu’un moment » affirme-t-il, écrire, c’est une forme de liberté avant « la mise au pas »
« L’homme des cavernes ne parlait pas français » et que serait ce pays Breton sans sa langue ? Les dernières pages du recueil nous offrent de courts textes, comme des haikus, à la fois en breton et en français.
« Peoc’h an holen
Pennad wenn
Netra ken »
Ce qui veut dire
« Silence du sel
Moment blanc
Rien de plus »
Des mots que nous donne le poète, des mots à savourer dans le silence, rien de plus.
Alors, laissez-vous embarquer pour ces îles sous la brume.
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Ce recueil de poèmes, publié en 1973, a bizarrement vieilli.
La Bretagne dont il parle semble avoir disparu…
La Bretagne où le Front de Libération faisait sauter l’antenne de Roc-Trédudon.
Le FLB solidaire des peuples africains contre le colonialisme français.
Les hordes de Bretons sans emploi qui débarquaient gare Montparnasse dans l’espoir de trouver du boulot à la capitale.
La grève du Joint français.
Je vous parle d’un temps que les moins d’cinquante ans ne peuvent pas connaître...
On est loin des actuels clichés bleus et blancs sur la "déco bord de mer" ou la Breizh attitude !
Cette poésie, donc, témoigne d’une époque où la Bretagne était, non pas "lifestyle", mais une région pauvre et vidée par l’exode rural.
Certains poèmes, les plus longs, m’ont paru un peu trop didactiques, un peu trop bavards - comme aurait pu l’être une réunion (clandestine) du FLB au début des années 70.
Mais on peut en extraire quelques images saisissantes, quelques vers empreints d’humour noir, quelques lignes pleines de beauté. Je compte me tourner vers Un désir de brumes, paru en 2022, pour profiter plus pleinement, peut-être, de la belle écriture de Padrig Moazon.
Challenge Poévie
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