Je pense à ces jeunes syriens qui me disaient : « Quand tu parviens à dépasser la peur, la première fois que tu descends dans la rue, que tu arrives à ouvrir ta gorge et à crier liberté, tu deviens une autre personne. Tu passes de la condition d’esclave à celle de citoyen. Quand tu arrives à douter que le président est un Dieu alors qu’on te l’a enseigné depuis l’école maternelle, quand tu arrives à séparer vérité et autorité, à distinguer objectivité et pouvoir, et que tu demandes la dignité dans la rue, alors tu sens que tu es dans un moment de liberté, de vérité, d’authenticité. Et le plus incroyable, c’est que l’on t’arrête pour cela évidemment, que l’on te torture et que le jour suivant, tu retournes dans la rue. Car ils ne peuvent plus t’atteindre au centre de ta dignité retrouvée, d’homme libre. Même si l’on te bat, que l’on t’oblige à répéter que Bachar est ton dieu, et ta mère une pute, mais ça c’est autre chose. La torture n’atteint pas cette dignité reconquise ».
Les initiatives positives de non-violence doivent toujours nous inviter à chercher une solution autre, mais elles n'autorisent pas à refuser la solidarité à un peuple qui mène son combat pour la liberté et la justice avec les moyens du bord.
Je préfère qu’un peuple s’autodétermine et que, par la suite, la communauté internationale lui enjoigne de respecter et de mettre en œuvre, de manière sage et progressive, les droits de l’Homme. Mais on ne peut pas nier, dès le départ, la possibilité d’une autodétermination parce que l’on présuppose qu’une fois au pouvoir, ce peuple ne respectera pas ces droits !
Il y a un cercle herméneutique infernal, les peurs légitiment la répression, qui crée l’extrémisme, qui justifie les peurs.
Je voudrais faire une analogie qui, peut-être, en irritera certains mais qui est importante à mes yeux. Il y a, me semble-t-il, une ressemblance entre la structure dictatoriale et la structure du pouvoir religieux et, dans les deux cas, un processus de libération profond doit être mis en œuvre.
(...) celui qui meurt pour la liberté meurt dans la dignité. Il ne meurt pas contre quelqu'un, il meurt pour affirmer quelque chose. Il voudrait gagner son ennemi et non le perdre.