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Critiques de Paolo Volponi (1)
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PAUVRE ALBINO.

Pauvre Albino est la traduction du roman italien Memoriale, paru en Italie en 1962.

Dans ce livre, Paolo Volponi raconte le retour au pays d'Albino Salluggia, ex-soldat et prisonnier de guerre.

Le récit narré à la première personne se présente comme un journal intime, un "mémorial" dans lequel le narrateur raconte sa vie comme ouvrier, ses aller-retours entre la fabrique et la maison à Candia, dans la région du Canavese, au nord-ouest de l'Italie.

Il rentre d'Allemagne plein d'espoir, mais la réalité du monde du travail n'a que faire de ses rêves: dans cette immense fabrique, il n'est rien, qu'un infime maillon d'une chaîne, d'un dispositif, d'une mécanique dentée, engrenage enfermant, implacable, qui le déshumanise et le broie.

Isolement affectif et mental d'Albino. Il comprend vite qu'il est fait comme un rat, que le travail est presque pire que le chômage. Mais quand les murs de la fabrique l'étouffent, le serrent comme dans un étau, le narrateur se retourne alors vers ses souvenirs et ses échanges complices, tacites avec le lac et la colline derrière sa maison. C'est là, qu'il cherche et trouve un peu de réconfort et de tendresse.

Le travail dans la fabrique le dépossède de ses forces et facultés, le torture de plus en plus, il se sent vide, contingent, surnuméraire. La fabrique est un lieu hostile, toxique, menaçant, il est toujours pressé de rentrer chez lui, de retrouver son lac, sa campagne, son potager, le silence et le sens. Il vit avec sa mère dans une solitude à deux. La maladie se déclare, une tuberculose pulmonaire contractée en Allemagne. Il part donc pour un séjour en sanatorium et, là, dans la détresse et la solitude la plus extrême, il découvre la poésie et s'abandonne à elle : les mots affluent dans le tumulte, dépourvus de signification, il n'y a que les sonorités qui comptent. Il écrit dans sa tête des journées entières, invente des ritournelles, des litanies de mots et de rimes. Mais la situation de clivage fabrique/ maison s'aggrave et il commence à faire des délires de persécution, à s'imaginer des complots de toutes sortes et progressivement sombre dans un état de démence. Comme le narrateur est le personnage principal de l'histoire, on a, à chaque fois, son seul point de vue sur les événements et on croit dur comme fer à ce qu'il nous raconte. C'est une expérience de lecture assez déroutante, car peu à peu on sent, sans jamais en être complètement sûr, qu'il perd pied et nous avec lui. C'est le premier roman de Paolo Volponi, grand ami de Pasolini, poète lui aussi.Traduit en français par Maurice Javion sous le titre consternant, inexplicable, de Pauvre Albino! sorti en 1964. Ce roman a ajouté un peu de complexité aux discussions des années 60 sur les relations entre littérature et industrie. Thématique particulièrement chère à Volponi qui était lui-même cadre industriel chez Olivetti et Agnelli (Fiat).

Albino est en quelque sorte son double. Le thème de la folie, de la maladie, côtoyant celui de l'aliénation de l'ouvrier, qui échange son temps de travail contre un salaire et, qui dans la fabrique, est coupé du monde ; le résultat de son travail ne lui appartenant pas, ni les moyens de production, etc. Albino Saluggia est un ouvrier-poète névrosé et hypersensible sorti tout droit du Moyen-Age et qui appartient foncièrement à cette campagne, à ce paysage. Il vit dans un monde à part, dans un état de ferveur permanente et de participation mystique avec les phénomènes naturels et la nature, dont

il comprend le langage qu'il déchiffre et interprète. Il est malheureux au travail, sous pression constante et en permanent conflit avec les autres, collègues et supérieurs. Il ne comprend pas l'organisation et la logique industrielles, la prétendue rationalité du monde du travail qui instrumentalise et avilit les ouvriers. Il résiste à sa façon, maladroitement, ne se laissant pas complètement "formater", dirions-nous aujourd'hui. Contraint de s'adapter à cet univers de force et résultats, il tombe malade. Le thème de l'incommunicabilité, de la solitude et du déracinement sont omniprésents dans le livre. On peut aussi voir la fabrique et le sanatorium comme des avatars d'un univers concentrationnaire, du camp de prisonniers, où Albino a été interné à la fin de la guerre, en Allemagne. Les descriptions de ses bouffées lyriques sont bouleversantes, magnifiques, on sent bien là la poigne du poète et aussi qu'il tient énormément à son personnage. Son écriture est vivante, les phrases serrées, percutantes. Le texte a une respiration, un rythme. Volponi réussit la prouesse de décrire poétiquement la vie d'un ouvrier dans une fabrique de l'arrière-pays piémontais. Un des plus grands livres que j'ai lus.

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