Pour un des élèves, le terme continent n'avait de lien qu'avec le supermarché du même nom, ce qui rendait l'énoncé complètement incompréhensible. Pour d'autres, il n'était pas concevable que la superficie des continents soit inférieure (et de beaucoup !) à celle des océans. On comprend donc qu'avant même d'arriver à la maîtrise des fractions, certains enfants sont déjà en difficulté par rapport à leurs représentations du monde.
L'école a une responsabilité dans le comportement de l'élève, dans la mesure où le regard qu'elle porte sur l'enfant peut activer ou inhiber le fonctionnement psychique et cognitif.
Le regard parental dispose en quelque sorte du même pouvoir magique. Un regard bienveillant, c'est-à-dire un regard plein d'attention et d'émotion signifie : "Mon enfant, tu deviendras un homme, tu deviendras une femme, nous serons là pour t'aider à grandir ! Va, avance, je te conseille de suivre tel chemin, mais quel que soit ton chemin, nous serons avec toi."
Ainsi, la motivation est avant tout un facteur biologique. Cela remet en question l'adage qui affirme qu'il faut être motivé pour y arriver. Les neurosciences nous permettent de comprendre que la réalité est contraire : il faut savoir que nous pouvons y arriver pour être motivés et susceptibles d'entreprendre.
A l'adolescence le cortex préfrontal n'est pas encore mature, le système limbique prend encore le dessus sur la réflexion. En d'autres termes, le raisonnement est encore "en concurrence" avec nos émotions. Ce n'est qu'à la fin de l'adolescence, que les jeunes gens pourront alors prendre de la distance et ne pas se laisser totalement envahir par leurs émotions. Il n'est pas question toutefois de les faire taire, bien au contraire. Nos émotions sont indissociables de notre humanité. C'est précisément la frontière que nous traçons actuellement entre les humains capables d'émotion et les processeurs d'intelligence artificielle qui en sont dépourvus.
L'image de l'école véhiculée dans les propos des parents et l'intérêt que les adultes montrent pour les connaissances en général auront aussi une influence sur le rapport que l'enfant va nouer avec sa scolarité naissante. Les enfants qui auront baigné dans une image positive, voire passionnante de l'école et des études, découvrent un monde étranger, surprenant, mais ils ont envie de le décoder, de le comprendre, et vont rapidement s'y trouver comme des poissons dans l'eau. Ceux qui ont une image négative et chargée de méfiance de l'école peuvent la vivre comme un milieu hostile.
Lorsqu'ils seront plus âgés, leurs parents veilleront à limiter le temps passé devant les écrans qui leur imposent des images et leur volent ce temps d'ennui nécessaire au développement de leur pensée intérieure.
Trouver, ou retrouver la motivation, c'est avoir la preuve suffisante de sa compétence. C'est retrouver une expérience ressentie comme "agréable". Il ne suffit pas, comme le dit l'adage populaire, de se motiver pour y arriver ! Au contraire, il faut y arriver pour se motiver. Le regard des adultes, parents et enseignants, joue un rôle primordial dans la croyance de l'enfant en sa propre compétence. Plus l'élève est fragile scolairement, plus est sensible aux appréciations, aux jugements, susceptibles à tout moment d'éteindre les faibles brindilles qu'il tente d'allumer.
Parmi toutes les récompenses qui rendent possible l'apprentissage (y compris le désir d'approbation et de reconnaissance), l'une des (si ce n'est la) plus puissante, est le moment où l'on "comprend que l'on est en train de comprendre". Le plaisir le plus intense que le cerveau puisse ressentir est sans doute lié au plaisir de la compréhension. Il s'agit de cet instant lumineux ("Euréka!") où le cerveau établit soudain des liens entre les éléments dont il dispose, où le sens émerge du chaos.
Respecter un enfant, c'est commencer ^par respecter les parents de cet enfant, mêmes s'ils ont traversé des tempêtes plus violentes que les nôtres, entravant parfois fortement leurs capacités parentales. Si nous pouvons, dans le meilleur des cas, critiquer nos propres parents, nous ne l'acceptons pas quand les critiques viennent de l'extérieur. En effet, l'individu se construit en référence à ses deux figures parentales et les attaquer, c'est directement abimer l'enfant.