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Citation de Pantasiya


(Premier chapitre de l'histoire):

Je saisis mes bandelettes, devenues rugueuses par l'usage, et une bouteille d'eau tiède que je fourrai dans mon sac à dos. Me penchant à nouveau sur mon lit étroit, je ramassais une chemise grises et un pantalon noir.

-Tu sais, fit une voix dans mon dos, lorsque l'insurrection débutera, ce ne seront pas des arts martiaux dont nous aurons besoin, mais bien de désintégrateurs.

Je pivotais sur moi-même et trouvai Myr appuyée contrer le cadre de ma porte, les bras croisés. Elle plissait légèrement les yeux pour se protéger de la lumière chaude qui traversait la grande fenêtre de ma chambre et qui se perdait tout juste à la pointe de son abondante chevelure noire.

- Je n'ai pas l'intention de désintégrer qui que ce soit, lui répondis-je en terminant de remplir mon sac.

Je me faufilai entre le cadre et elle, entreprenant de descendre les escaliers qui menaient au rez-de-chaussée. Ce faisant, j'attrapai un vieil élastique au fond de mes poches et attachai mes longs cheveux bruns derrière ma tête, geste automatique et détaché.

-Sais-tu ce qui s'est passé aujourd'hui à l'Assemblée? demanda ma jeune soeur.
-Non.
Je m'en fiche un peu, eus-je envie de répondre.

-Eh bien, figure-toi donc que le Gouverneur a encore une fois utilisé son droit de veto pour entraver le projet de libre circulation entre la Colonie et le Haut-Plateau.

J'atteins le palier, toujours talonnée par Myr, et j'allai jusqu'au réfrigérateur, déposant mon sac au passage sur le comptoir.

- Et comment crois-tu que nos représentants ont réagi? insista-t-elle, vraisemblablement désespérée d'obtenir une réaction de ma part.
-Je l'ignore, Myr.
-Ils n'ont rien fait! Pas même un cri de protestation indigné! Ce ne sont que des pantins. Ils se contentent de ramper devant les Tharisiens et de... de... Dis, tu m'écoutes?

Je pianotai quelques touches sur le piano du réfrigérateur, sélectionnant les items que je souhaitais apporter avec moi pour souper.

-Il n'y a plus de lait?
Le visage de Myr vira au cramoisi. Elle serra les dents et les poings avant de tourner les talons et de remonter bruyamment les marches. J'hésitai, la main toujours sur la porte du frigo et une pointe de culpabilité dans l'âme. Myr, quatorze ans, était une élève brillante. Elle décrochait aisément les meilleures notes de sa classe, et ce, sans étudier, car, à la maison, elle occupait tous ses temps libres à éplucher les bulletins de nouvelles sur le réseau et à nous prédire, à mon père et à moi, que nous devrions bientôt nous soulever contre l'oppresseur.

Le souper que j'avais commandé ne m'inspirait plus rien. Je ramassai une pomme, ignorant cette petite voix qui ne manquait pas de me rappeler à quel point mon estomac grondait à la suite de mes séances d'arts martiaux. Je haussais les épaules. Myr savait que ses histoires de politiques ne m'intéressaient pas.
J'enfilai les ganses de mon sac à dos et je traversai le salon silencieux et vide pour atteindre la porte. Une fois dehors, je fus accueillie par les rayons déclinant du soleil couchant. Ceux-ci filtraient à travers le feuillage des grands arbres qui bordaient la rue, m'éblouissants par intermittence. Plaçant une main devant mes yeux pour les protéger, je trouvai mon père agenouillé dans ses plates-bandes, un peu sur ma gauche. Quand il me vit passer, il déposa sa vieille truelle et essuya la sueur qui perlait sur son front.

-Seki, appela-t-il. N'oublie pas ton quart de travail à l'usine ce soir.
-Oui, papa. Je n'oublierai pas.

Il me suivit des yeux alors que je m'éloignais vers la rue.
- Ton superviseur m'a encore convoqué hier soir au sujet de tes nombreux retards.
-Je lui ai expliqué un millier de fois déjà. Mes cours à l'université se terminent parfois plus tard que prévu. Et l'usine n'est franchement pas la porte d'à côté.
Mon père déplia les jambes et massa ses genoux couverts de terre noire.
-Prends un taxi, Seki. Je peux te donner un peu d'argent pour tes déplacements.

Nous ne manquions de rien à la maison, mais c'était tout juste. J'avais beau travailler près de trente heures par semaine chez Averia Composante, mes études universitaires accaparaient une part importante du budget familial. Comme Myr poursuivait elle aussi ses études, nous devions mettre de l'argent de côté pour elle également. Si, comme mon père me le suggérait, je devais me payer le luxe d'épargner mes pauvres petites jambes, je devinais aisément qui se priverait davantage.
-Non merci, lui répondis-je en atteignant le trottoir. Je préfère marcher, mais je me dépêcherai, c'est promis!
Je ne laissai pas le temps à mon père de protester et je m'élançai dans la rue. (...)

Averia, m'avait-on dit, avait été planifiée et construite par les plus brillants esprits de l'aérospatiale. Quand ils ont commencé à comprendre que les colons répétaient sur leurs nouvelles planètes les mêmes erreurs que sur la Terre, les gouvernements se sont attelés à la tâche de mettre sur pied la colonie parfaite. Averia devait servir de modèle. Nous devions être le joyau des étoiles.
(...)
Ouais, pensais-je. Mais tout ça, c'était avant la guerre...
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