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Citation de Charybde2


S’il est deux auteurs qui ont littéralement incarné la période du dégel sous Khrouchtchev, ce sont bien les frères Arkadi et Boris Strougatski. Le premier est linguiste, traducteur du japonais et parfait anglophone, le second est astronome de formation, mais a finalement travaillé dans le domaine de l’informatique. À eux deux, ils couplent ainsi les qualités du littéraire et du scientifique pour offrir aux lecteurs une science-fiction atypique qui balaiera tout le champ thématique de l’époque en mettant l’individu au cœur de son propos, individu qui ne peut s’empêcher de se poser des questions sur ce qu’il vit et ressent.
L’histoire aurait commencé en 1958. Les frères Strougatski ont alors écrit, avec la collaboration de Lev Petrov, un récit romancé du premier essai nucléaire américain sur l’atoll de Bikini. Mais il ne s’agit pas de science-fiction et leur véritable carrière débute par un défi. Lors d’une conversation avec des amis, ils déclarent que n’importe qui est capable d’écrire un roman de science-fiction. Il faut dire qu’à l’époque, la production soviétique officielle est pour le moins médiocre. On les presse alors de montrer l’exemple et peu de temps après, en 1959, paraît Le Pays des nuages pourpres, récit d’exploration sur Vénus. Voilà pour l’histoire officielle, telle que racontée au grand public et dans les revues internationales de propagande. La réalité est sans doute plus complexe puisqu’ils ont publié dès 1958 une longue nouvelle de science-fiction, Du dehors, et que l’on a retrouvé dans leurs archives des nouvelles ou des fragments de récits dont la rédaction remonte au milieu des années 1950. Et même avant cela, Arkadi a publié, seul ou avec un collaborateur, une poignée de récits réalistes. De fait, les deux frères ont toujours baigné dans la littérature, puisque leur père, mort durant le siège de Leningrad, avait été rédacteur dans une revue ukrainienne. (…)
Avec une intrigue plutôt linéaire, qui accumule les péripéties pas nécessairement liées entre elles, mais qui sont un prétexte à faire le tour du système solaire, Les Stagiaires ne se démarque guère de la production antérieure des deux frères, à une différence près : les discussions à caractère idéologique font leur entrée en force. Car ce qui fait l’intérêt de ce roman est bien la coexistence pacifique des systèmes capitaliste et communiste, ce qui permet de les comparer ouvertement. or à l’époque, Arkadi et Boris Strougatski ne sont pas encore critiques envers le pouvoir soviétique et leurs chicanes sont adressées à la petite bourgeoisie, symbole d’inertie et de médiocrité. L’épisode du conflit ouvrier au sein de l’exploitation minière est en cela symptomatique : tant que le capitalisme perdurera, ce genre de situation continuera d’exister. Même s’ils s’intéressent encore à la science et à la recherche scientifique, ils discutent avant tout de la place des savants au sein de la société, de leur rôle qui doit conduire l’humanité à la paix. Il faut donc passer à l’étape supérieure et régler avant tout les problèmes de la Terre. C’est un véritable « programme » littéraire qu’annoncent les Strougatski, qui à l’avenir s’intéresseront moins à l’espace et plus à l’homme… ce qui, on le sait, les obligera à faire la critique du système soviétique et les confrontera au problème de la censure. De fait, à partir de 1968 et jusqu’en 1985, Les Stagiaires ne sera plus réédité.
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