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Critiques de Patricia Roux (1)
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Le sexe du militantisme

En avant propos, Patricia Roux et Olivier Fillieule, nous rappelle que Rosa Parks, employée de couleur qui ne se lève pas dans un bus en 1955, était en fait militante depuis 1943 à la National Association for Advencement of Colored people (NAACP). L’histoire officielle a transformé cette militante en petite employée fatiguée.



Les auteur-e-s développent sur la triple invisibilisation des hiérarchies de genre et de leurs effets dans la sphère des activités militantes : « invisibilisation dans les luttes elles-mêmes, d’abord, où les femmes, pourtant présentes, sont reléguées dans les coulisses, et où les hommes prennent bien souvent le relais dès lors que les causes émergentes semblent devoir se développer ; invisibilisation ensuite par la manière dont se construisent les histoires officielles des mouvements ; invisibilisation enfin du fait que sciences sociales sont restées longtemps androcentrées et manifestement incapables d’identifier et de reconnaître les mécanismes genrés de division et de hiérarchisation produits par et dans les collectifs militants. »



L’objet du livre est de « mettre le militantisme à l’épreuve d’une perspective de genre, tout en mettant la construction du genre à l’épreuve du militantisme. »



En introduction, Olivier Fillieule trace le cadre d’analyse « Travail militant, action collective et rapports de genre » offre un large panorama théorique. Avec une petite ironie, je ne peux m’empêcher pas de souligner que cette partie plus théorique écrite par un homme universitaire, et non par une féministe militante, procède aussi des mécanismes par ailleurs analysés et critiqués dans ce texte et cet ouvrage.



Quoiqu’il en soit, ce texte s’appuyant sur un « ensemble important de travaux produits par la littérature féministe » est une remarquable introduction aux problématiques traitées dans le livre. Partant des analyses de Margaret Maruani, Danièle Kergoat ou Josette Trat, il nous rappelle que les rapports sociaux de sexe (de genre) imprègnent en profondeur tous les mouvements sociaux et donc que cette dimension doit « toujours être présente quand on les analyse ». Son texte parcourt aussi bien les mobilisations, le recrutement, les formes organisationnelles que la division et le façonnage du travail militant.



La première partie de l’ouvrage « Des trajectoires militantes sexuées » est composée de trois textes. L’un sur « Syndicaliste en entreprise, une activité si »masculine » » analyse les mécanisme internes et externes aux organisations qui se cumulent « pour rendre l’entrée et la promotion des femmes plus difficiles ». Je regrette une présentation réductrice du syndicalisme comme type d’activité professionnelle et surtout la déconnexion entre orientation et organisation.



Ce texte est suivi de « Itinéraires de femmes communistes » (comprendre des militantes du PCF) qui analyse, entre autres, l’évacuation d’un passé bien dérangeant sous les vocables de »retard pris » et les contradictions entre les politiques familiales développées et les aspirations des militantes. Suivent des « Portraits de militants et d’hommes de militantes » qui font ressortir « combien l’ignorance de la division sexuelle du travail et la croyance en un principe d’égalité formelle verrouillent la lutte contre l’exploitation économique ».



La seconde partie « Les ambivalences du genre » présentent des analyses sur les femmes militantes de la Ligue du Nord italienne, des féministes dans le mouvement libertaire avec des comparaisons entre le Québec et la France, et enfin sur genre et militantisme homosexuel.



La troisième partie « Sexe, race, classe » analyse l’imbrication des rapports de domination.



Je souligne le texte d’Elsa Galerand sur « Contradictions de sexe et de classe : la marche mondiale des femmes de 2000 ». L’auteure insiste, en citant Danièle Kergoat sur « l’intrication des rapports sociaux et leurs relations de coconstruction », ce qui l’amène à critiquer un capitalisme indument particularisé et un patriarcat dématérialisé.



« Les catégories de pensée de l’économie et celle de l’analyse matérialiste en particulier sont le plus souvent absentes des énoncés relatif au patriarcat, très fortement associé en revanche aux notions d’idéologie, de croyances, de valeurs, de normes, de coutumes, de religion. »



Et aussi le texte de Sabine Masson « Genre, race et colonialité en Amérique latine et Caraïbes » qui traite des mouvements indigènes et féministes et prône une conception dynamique « en terme d’antagonismes croisés » pouvant contribuer à la coordination des luttes féministes, antiracistes et anticapitalistes.



Suivent des textes sur « Trajectoires militantes et rapports sociaux de sexe », « Genre et militantisme pour la paix en Israël » et « Militer dans le mouvement amérindien en Guyane française ».



L’ouvrage aurait été d’autant plus utile, si certains textes avaient été reformulés, rendus plus lisibles. Le jargon institutionnel ne garantit ni une bonne compréhension ni la scientificité des propos, ce d’autant que la polysémie (les sens multiples) de nombreux termes, oblige à des citations référentielles, rendant la lecture inutilement ardue.



De telles études offrent des éclairages nécessaires aux compréhensions et élargissent utilement les cadres de réflexion. Cependant en déniant à la »politique » son espace-temps, elles risquent de réduire les choix et les engagements des militant-e-s à des comportements unilatéralement dictés par des forces matérielles contraignantes (ressources culturelles, familiales, etc.).



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