L'écriture s'étant installée chez moi telle une sale manie, j'étais devenu sensible à la question de la langue employée. Ma mère négresse était plutôt de langue créole, c'était son naturel. Mon père s'était construit une "manière de mulâtre à beaux-airs" à grand renfort de langue française; il exhibait la chose en récitant de mémoire appliquée les impressionnantes merveilles d'un signalé monsieur Jean de La Fontaine. J'étais sans doute bien plus à l'écoute émotionnelle de ma mère, car, dans ma tête où s'entrechoquaient les deux langues, le créole s'accrochait au vif et au sensible. (p. 46)