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Citation de michelekastner


L'oubli installe le cadre des surprises. Bien souvent, alors que je n'y pense pas, que la Baronne me parle ou qu'un de mes frères se trouve en ma présence, je perçois soudain chez eux un geste, un rire, une manière de regard, une attitude qui font survenir Man Ninotte, quelquefois le Papa. Avec l'âge, ce qui n'était pas évident se précise, les ressemblances au Papa ou à elle surgissent dans une moue des lèvres, dans une intonation, la façon d'une silhouette. Comme des fantômes qui nous habitent et qui surprennent chacun de nous, à tour de rôle, en se manifestant chez l'autre. Au fil des ans, certaines ressemblances qui s'étaient installées s'estompent, au profit d'autres moins affirmées mais tout aussi présentes. Elle a été pendant si longtemps l'unique soleil de nos perceptions que nous nous sommes imprégnés d'elle, que certains de ses gestes sont devenus pour nous des sensations profondes, des émotions sans cause, des paysages ouverts. La grappe se reforme ainsi dans des fluctuations, semblances, proximités subtiles, succulences partagées, souvenirs qui voisinent, la même tendresse qui surgit unanime en quelque occasion et qui nous constitue un lien effusionnel. Un monde perdu, de l'enfance et des temps inconscients, se cristallise dans nos rencontres. L'un qui offre à l'autre une part de lui-même, l'un amenant à l'autre un instant d'enfance, un moment de pluie et de soleil, une connivence infime et qui ne sert à rien, mais qui se maintient comme une vieille clochette qu'un vent lent fait tinter. Un invisible nous redessine au fil du temps, nous remplit de reflets et de nuances, nous élargit au-delà de ce que nous sommes, remonte avec nous des lignées, et se perd dans l'espèce...
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