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Citation de enkidu_


Son [Henry Corbin] attachement pour la philosophie, nettement perceptible à travers la critique qu’il fera de Ghazâlî, permet également de mieux saisir sa position(1). Or, cette même positionne s’explique à son tour que si l’on mentionne une autre caractéristique de la pensée de Corbin : sa fascination pour le shî’isme. Certes, celle-ci ne peut être considérée comme étant responsable d’une mauvaise interprétation de l’Imaginal, dont il n’est pas possible d’accuser Corbin. Mais en revanche, elle est la cause d’une présentation parfois gravement faussée de l’œuvre d’Ibn ‘Arabî et du soufisme. Ce sont en effet ses « chères amitiés shî’ites »(2) qui ont incité l’islamologue à conjoindre dangereusement philosophie et expérience mystique(3), alors que précisément, dans le tassawuf, il est préjudiciable de mêler « l’eau des puits », c’est-à-dire la science spéculative avec la science extatique(4). Ce sont elles aussi qui ont poussé Corbin à faire d’Ibn ‘Arabî un adepte secret du shî’isme. Or, non seulement le Shaykh al-Akbar s’est toujours déclaré sunnite, comme l’a signalé M. Chodkiewicz, mais il fut en outre un vigoureux adversaire des thèses shî’ites(5). Les conséquences de ce détournement fallacieux de la doctrine véritable du « plus grand des Maîtres » sont multiples et nous ne pouvons toutes les évoquer. Qu’il s’agisse de la question du Centre suprême ou de l’eschatologie, elles nécessiteraient, pour être mesurées correctement, un examen complet de l’hérésiologie musulmane.

L’important nous paraît d’insister sur le fait que la valorisation, quasi obsessionnelle chez Corbin, d’une forme spéculative d’exégèse (ta’wîl), systématiquement associée au shî’isme considéré à tort comme « la gnose de l’Islam »(6), allait être à l’origine, en particulier, de prises de positions favorables aux conceptions de Jung, c’est-à-dire à des idées foncièrement inconciliables avec le corpus métaphysique traditionnel. R. Guénon avait d’ailleurs noté, à propos de Corbin, qu’il fallait, à l’inverse de ce dernier, bien différencier le soufisme véritable de la philosophie(7), même « illuminative ».

(1) Cf. H. Corbin, Histoire de la philosophie islamique, Gallimard, 1986, pp. 253-262.

(2) Cf. L’imagination créatrice…, p. 68.

(3) Ibid., p. 61.

(4) M. Chodkiewicz, Le Sceau des saints, p. 193, n. 3. Ibn ‘Arabî oppose ici, « l’eau de pluie, céleste et pure, symbole de miséricorde et celle des fleuves, terrestre et polluée ».

(5) Ibid., pp. 15, 34, 58, 67-68 n. 1, et 132, n. 1, où il est question d’une visite d’Ibn ‘Arabî chez un personnage appartenant à la hiérarchie des rajabiyyun qui était en mesure de déceler les shi’ite extrémistes en les voyant se métamorphoser en porcs.

(6) Cf. H. Corbin, Histoire de la philosophie islamique, p. 55.

(7) Cf. R. Guénon, Aperçus sur l’ésotérisme islamique…, pp. 143-144. On constate de nouveau ici à quel point Guénon s’inscrit bien dans la perspective akbarienne distinguant Religion Droite et Non-droite. A l’inverse, le péris de Corbin pour la religion « légalitaire » (cf. Histoire…, p. 55) montre en quoi il s’oppose à la religion Droite). (pp. 190-191)
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