De temps en temps, il m’arrive d’aller sur un tournage. Une foule de badauds veut s’approcher. Ils cherchent désespérément à voir quelque chose, mais ne voient pas grand-chose, sauf si l’équipe fait exploser un immeuble ou s’il y a une cascade grandeur nature. Mais la foule reste, parce qu’ils veulent s’approcher de la magie. Eh bien, ce n’est pas là que la magie opère. Elle opère quand le monteur assemble deux morceaux de film et fabrique l’illusion que l’un succède directement à l’autre. Ou bien quand une suite ininterrompue d’images montées crée une sensation, comme un poème peut le faire. Le montage est le seul aspect de la fabrication d’un film qui n’a sa tradition dans aucune autre forme d’art préexistant. L’écriture et le jeu viennent du théâtre. Le décor a aussi des racines du côté de la scène, comme les costumes, le maquillage et la coiffure. La photographie tire son origine de la peinture. Mais raconter une histoire avec une succession d’images et de sons est né en même temps que la fabrication des films. Le cinéma a certes une parenté avec les hiéroglyphes autant qu’avec les livres d’images, mais avec le même écart qu’il y a entre un vaisseau spatial et un char à bœufs du Moyen Âge.