Paul Hubère

Aurore
Aux modulations de la flûte inspirée, l'aurore du sein des brumes encore se soulève. Tout vibre, à l'entour, de sa jeune clarté, et le soleil, déjà, rit derrière la nuée dont les flancs vaporeux d'un rayon s'illuminent.
Quelle poésie du jour ! Le ciel rose et ambré glisse, en se reflétant, sur le miroir du flot, et à l'horizon voici que le croissant s'éclipse, ébloui par le divin flambeau.
Tout est calme et profond, sérénité, lumière, et la jeune nature sommeil est ravie, tandis qu'Iris sur elle, en des lueurs vermeilles, laisse flotter mollement son écharpe fleurie.
La fraîcheur du matin est partout épandue, et à l'herbe pâle la rosée suspendue de ses miroitements diapre la prairie. Le brouillard léger qui s'attardait encore à l'arbre vague, au flanc ténébreux du rocher, frange en se dissipant, de sa blanche fumée, ou le triste cyprès, ou la coupole d'or.
Tout, m^me éveillé, paraît se rendormir en ces sites étendus que le silence emplit. Est-ce un regret de l'ombre que le jour a vu fuir, ou tout va-t-il encore reposer dans la nuit ?
Non, des souffles purs courent à travers l'espace, et le dernier voile, soudain s'est déchiré. La vie retrouvée trésaille d'allégresse ; une sourde rumeur naît dans l'immensité, c'est un chant d'oiseau dans la solitude ; un long mugissement ; le murmure d'un ruisseau ; un son qui s'éteint dans la claire transparence ; une vision qui se forme, évanouie sous les eaux.
Mais contre le vieux mur la chèvre s'est dressée, et un berger d'églogue souffle dans son pipeau, près des flots argentés dont la nappe se ride, __ en écoutant la voix trompeuse de l'écho.
Voici qu'accourues à sa jeune chanson, Amaryllis des bois et Galatée fuyante, vous unissez vos mains dans la chaîne dansante, sur la mousse humide ou l'émail du gazon.
Filles de la lumière, vous semblez avec elle décliner avec grâce, quand elle s'est assombrie, et sur l'étang diaphane, votre essaim irréel est, au crépuscule, la seule clarté qui luit.