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Critiques de Paul Laborde (5)
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Dialogue entre un carnivore et un végétarien

Pas aussi simple à comprendre que l'auteur le pense.

C'est un dialogue, plusieurs dialogues entre 2 amis, un végétarien et un carnivore et tous les 2 sont forts de leurs convictions et tentent de démonter celles de l'autre. ça ne se résume pas à contrer des idées reçus et très courantes comme "Hitler était végétarien" ou "le lion mange la gazelle", même si c'est évoqué. C'est plus un échange de valeurs philosophiques, si je peux m'exprimer ainsi, et parfois c'est pas trop simple de suivre leurs cheminements respectifs. Et pourtant je suis végétarienne. Mon point de vue n'est pas tout à fait le même que le végétarien concernant les insectes et les mollusques et mes raisons, même si elles sont éthiques ne sont pas que celles là.
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Dialogue entre un carnivore et un végétarien

Pourquoi est-ce que je perds mon temps à lire ce genre de livre et à dire le mal que j'en pense. Un Freudien dirait peut-être que je me défends contre mon attirance pour le veganisme et l'antispecisme. Bon, je ne suis pas Freudien non plus.

Je suis tombé sur cet opus un peu par hasard et j'ai estimé que je pouvais consacrer une heure à sa lecture pour le cas où il s'agirait d'une discussion honnête. Avec Singer comme prefacier c'était mauvais signe, mais bon...

Et donc c'est tout sauf une discussion honnête. La forme du dialogue philosophique permet de démontrer à peu près n'importe quoi. Elle consiste en effet à opposer au porte-parole de l'auteur un pantin inconsistant qu'on autorisera pas à réfuter ce qu'on veut lui faire admettre et au lecteur du même coup. le Dialogue ne déroge pas à la règle et le malheureux C. est presque convaincu à la fin. L'auteur l'autorise à réfléchir encore un peu, mais il est fichu. Il a devant lui un avenir radieux de steaks au soja.

Il est vrai que V. ne fait pas dans la dentelle : il lui propose par exemple de s'imaginer que Dieu descend du Ciel pour annoncer à C. que de deux choses l'une : soit il se trompe sur l'éthique animale, soit il se trompe sur la réalité de la table qui est devant eux Et le pauvre C.d'opter en faveur de la réalité de la table, alors que tout debateur doté d'un minimum de bon sens aurait répondu à V. que ce n'était pas Dieu qui posait l'alternative mais lui, que rien ne l'obligeait à en accepter la pertinence et qu'il pouvait très bien soutenir qu'il ne se trompait ni sur l'un ni sur l'autre.

J'insiste là-dessus parce que cet argument est le comble du sophisme : il peut être recyclé pour"démontrer" n'importe quoi. Il me suffit en effet de remplacer le premier terme de l'alternative par ce que je veux: "tu ne trompes sur la rotondité de la terre", "tu te trompes sur les croyances de ceux qui pensent qu'Hilary Clinton est un lézard pédophile ; ils ont peut-être raison" ou mieux"tu te trompes en croyant que les animaux sont des êtres sensibles. C'est Descartes qui a raison !". Après tout il me suffit de prendre pour porte-parole mon deus ex machina qui peut tout aussi bien être complotiste qu'animaliste pour me complaire. Cela me rappelle une scène de" Manhattan" de Woody Allen : dans la fille d'attente d'un cinéma, Woody à une discussion sur la pensée de Mc Luhan. Pour y mettre fin, il se dirige vers un panneau publicitaire, derrière lequel il trouve McLuhan et lui demande bien d'arbitrer la querelle, ce qu'il fait en disant au contradicteur de Woody qu'il n'a rien compris à ses théories. Et Woody de conclure : on aimerait vivre des scènes comme ça dans la réalité. Mais on peut ! Enfin, peut-être pas dans la vraie vie, mais dans un livre de philo capilotractee sûrement.

Et tout à l'avenant comme il sied dans cette forme littéraire.

Le plus insupportable est sans doute la condescendance de l'auteur à l'égard des malheureux égarés qui n'ont pas encore vu la lumière et que la postérité ne manquera pas selon lui de ranger au niveau des cannibales et des marchands d'esclaves. Sur le jugement de la postérité, on aimerait lui faire remarquer que la doctrine du végétarisme est vieille d'environ vingt cinq siècles, et que son triomphe tardera peut-etre encore un peu.

Et il ne nous fait même la grâce de nous prendre pour des salauds (je lui en reconnais tout à fait le droit, puisque je persiste et persisterai sciemment dans ce qu'il tient pour une conduite immorale) refusant de changer nos habitudes carnivores en toute connaissance de ce qu'elles impliquent, l'acceptant et n'y voyant rien de contraire à nos conceptions morales, mais préférant au contraire nous voir comme des imbéciles et des inconscients à convertir.

Et les vegans s'étonnent parfois que nous ne les aimions pas. Mais personne n'aime les missionnaires et les donneurs de leçons.

Pour avoir un avis plus éclairé sur toutes ces questions, voir par exemple"lettre ouverte aux mangeurs de viande de" de Paul Ariès

Addendum. Sur les expériences de pensée. Les antispecistes aiment beaucoup les expériences de pensée, plus facile à conduire que les expériences scientifiques...On en trouve dans ce livre : une sombre histoire de cochons, par exemple. A partir de quel nombre de cochons est-il légitime, pour les épargner, de sacrifier une vie humaine ? Et s'il s'agit d'un handicapé et de cochons en bonne santé ? Enfin c'est ce que j'ai compris.

Ces expériences sont inspirées par l'utilitarisme de Bentham : il faut agir de manière à infliger le moins de souffrance possible au plus grand nombre possible. Les disciples de Bentham aiment beaucoup les expériences de pensée, notamment sur la question de savoir qui il faut choisir d'écraser lorsqu'on est obligé d'écraser quelq'un. Pour arriver à la conclusion qu'on souhaite, tordre les variables autant qu'il faut. Très vite, l'adversaire ne sait plus où il en est. C'est le but. (Accessoirement, il faudrait sans doute interdire la conduite des véhicules à moteur aux disciples de Bentham. Et

Il existe une célèbre expérience de pensée : j'interroge un terroriste qui a caché une bombe dans la ville. Elle va exploser dans une heure et tuer de nombreux civils, enfants compris. Dois-je le torturer ? Telle que posée, l'expert a pour but de me faire répondre positivement. Mais en réalité le débat est fausse et cette situation ne se rencontrera jamais : d'abord je ne peux être sûr que le terroriste sait où se trouve la bombe. Je risque donc de torturer un innocent. Ensuite il ne parlera peut-être pas, ou pas à temps, ou il peut donner un faux renseignement, ou il peut mourir avant d'avoir parlé.

J'ai conscience d'avoir sérieusement digresse, mais c'est un point intéressant. Il montre à quel point il faut se méfier des soi-disant spécialistes de l'éthique, fausse discipline qui permet toutes les contorsions, qui seraient selon l'auteur, quasi-unanimes dans leur condamnation morale de l'alimentation carnée. Par parenthèse bel exemple d'argument d'autorité !

Accessoirement, pour faire un peu de vraie science :

Les acides aminés d'origine animale sont essentiels pour le bon fonctionnement des fonctions cérébrales, et particulièrement pour le développement du cerveau chez les enfants. Il est criminel de les en priver. Le lait de soja pour les nouveaux nés est un scandale.

-la consommation de viande a joué un rôle essentiel dans le processus d'hominisation

-pour pallier les carences de leur alimentation, les vegans doivent se bourrer de compléments alimentaires et de vitamine dont les effets sont mal maîtrisés

-le"steak de soja" est bourré d'agents de texture et de saveur sans quoi il serait immangeable. Vous avez dit ,"bio"?

-la culture du soja détruit les forêts. Les labours profonds qu'elle nécessite détruisent les sols. Je sais que le soja sert aussi à l'alimentation animale. Mais le bétail peut se nourrir de fourrages. Pas les humains.

Les vegans sont indirectement les ennemis de l'environnement et de la biodiversité. Il est vrai que les plus francs avouent qu'ils s'en fichent.

Mais quel dommage que l'auteur n'est pas cru nécessaire d'informer le malheureux C de tout cela avant de le lancer désarmé dans la discussion. Ce qui prouve encore la malhonnêteté intellectuelle du procédé. Il est facile de répondre aux objections qu'on a soulevé soi-même

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Le mot de pauvreté

Certains grands mots circulent jusqu’à l’épuisement. Il faut parfois les recueillir, les laisser se reposer, puis les remettre en germe. C’est l’un des rôles, l’un des gestes, de la poésie. Tel est celui entrepris par Paul Laborde avec le – trop ? – beau mot de pauvreté. Le dépouiller de lui-même, pour...



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Le mot de pauvreté

Avant même d’ouvrir le livre, son titre dérange et intimide : “pauvreté” est un mot sérieux, prosaïque et d’emploi délicat. Pauvreté fait penser à maladie, par l’absence des moyens mêmes de s’en sortir; à hantise parce qu’être “dans le besoin”, c’est n’être bientôt mû qu’en et par lui; à médiocrité aussi, parce que tout loisir de perfectionnement suppose aisance; et à perplexité enfin, parce que si toute richesse se ment (elle se croit plus volontiers juste qu’elle ne se veut telle), la pauvreté, elle, a du mal avec sa propre vérité (elle trouve dans ce qu’elle n’a pas l’exclusive raison- et l’excuse, parfois – de ce qu’elle échoue à faire être) : la pauvreté trouble le jugement de celui qu’elle atteint, fausse son approche de ce qui la considère, et – si la misère, elle, n’a plus le choix et trouve juste la pitié qu’elle suscite et normale l’aumône – la fière pauvreté méprise ce qui la juge et, au mieux, tolère ce qui la soulage. Mais ces vagues impressions nées de toute mention de la pauvreté nous ramènent bientôt au titre, on y lit bien, non “pauvreté”, mais “le mot de pauvreté” – et ce mot, soudain, indique moins ce qu’il signifie, ou même connote, que ce qu’il lance au-devant de lui, assène, rencontre, conditionne. Que peut-on, d’ailleurs, attendre d’un mot dont le contenu décourage l’espoir, ou même comprendre à un vocable synonyme de perte de valeur et d’obstacle au sens ? Qu’un recueil ainsi nommé puisse même être riche d’enseignements, ou même simplement aisé d’approche et d’accès, semble pur (et complaisant) paradoxe. Et pourtant …



Laborde caractérise la pauvreté ainsi :”l’essentiel, habité de peur” (p.47). C’est faire saisir qu’on ne peut, en effet, que craindre sa vérité, et que la peur qu’elle nous inspire est nue, “dévêtue” (p.48), parce qu’elle nous prive des moyens de nous défendre d’elle comme de la peur même qu’elle inspire. Elle nous donne une certitude dont on se passerait volontiers, mais nous empêche de nous mentir à nous-même, en tout cas nous mentir longtemps, avantageusement, pleinement. La réelle pauvreté remet nos attentes de richesse à leur place (mensongère), même de richesse intellectuelle ou spirituelle (“le travail de ma vie est de lutter contre l’idée de richesse, contre l’idée que l’idée est richesse“, écrit (p.19) fortement l’auteur). C’est l’illusion même d’une richesse de l’attente d’autre chose, d’une richesse de l’ouverture à des réalités compensatoires, d’une richesse de réconfort ou consolation par les livres mêmes (“tous les livres ne sont pas là pour nous tenir la main/ mais tous les livres ont une cause sans lumière/ un noir perplexe” !, p.37) que la pauvreté révèle, et que sa seule expérience dissipe.



Mais si le mot de pauvreté peut ainsi révéler quelque chose, c’est qu’il participe de l’esprit, – d’un esprit guéri de ses rêves de plénitude, de ses ambitions fumeuses et frauduleuses ! La “conscience”, oui, mais pauvre, “sans prétention”(p.54) – comme un sentiment qui ne jouerait pas de sa propre présence, une attention discrète comme une veillée funèbre, une mémoire qui pêche à la main pour ne pas troubler l’eau du passé; la raison, oui, mais sans comparaison (“le monde de pauvreté est/ sans/ échelle/ sans/ comparaison” p.21) ; la liberté, oui, mais sans arrogance (la pauvreté est une rareté qui court les rues !), sans utopie (la pauvreté est une fève dans une motte de terre, une dune, un tas d’ordures), sans sûreté (la pauvreté est une loyauté qui se sait avoir la trahison facile, et même ses ennemis risquent de déserter).



Bien sûr, la pauvreté affaiblit le monde qu’elle hante, mais elle est l’occasion de repenser, recalibrer, réviser à la baisse nos exigences d’un monde, nos revendications de nanti à propos de l’ordre total et commun que nous nous ruinons à vouloir : un sol, un socle d’humanité qui porte et soutiendrait parfaitement, un horizon qui resterait inconditionnellement ouvert, une communauté d’être et de style qui solidariserait impeccablement nos sorts… alors que “la pauvreté ne soutient/ aucune ligne droite/ elle assassine tout/ horizon” (p.77). Elle fixe un genre de cap sobre et vaillamment serein, sans défensive (p.75) – il suffit d’accepter ce que l’on craint et de se renforcer de tout ce que l’on accepte ; sans caprice (mieux vaut qu’arrive un monde pauvre que rien, car, indique rudement Laborde – page 80 – tout ce qui arrive, et cela seul, est une chance de sortir du monde arrivé !) ; sans enthousiasme même (la pauvreté n’est même pas objet de vocation – malgré notre Poverello ! – car c’est un vent , non une voix (p.90) qui la porte, et il convient de “viser le souffle absent de/ sa destination” !!). Bien sûr, tout en nous rechigne à considérer la pauvreté comme digne de “confiance” (p.68), mais sont, en tout cas, moins encore fiables, dit le poète, les divers antidotes et parades à son advenue telle quelle : le “faux cri” (“un faux cri est la plus terrible/ concession/ faite à la richesse” p.58), l’auto-encouragement, la bonne volonté du constat d’échec, le discours convaincu. C’est que “nous ne sommes pas des oiseaux/ nous sommes de l’herbe/ une pousse aléatoire” (p.67) : la pensée n’est pas vol souverain, mais humble buissonnement, et “celui qui parle en croyant ce qu’il dit/ se prend pour un oiseau“, car la pauvreté spirituelle ne parle pas pour croire ce qu’elle dit, mais pour détromper ce qu’elle garderait pour elle.



L’honnête et émouvante préface de Jean-Luc Nancy ne s’y trompe pas : les mots disent ici leur pauvreté, mais les choses qu’ils renoncent à prétendre révéler sont aussi celles, à proportion, qu’ils s’abstiennent de vouloir trahir. L’organe-obstacle des mots abdique sa richesse au profit de celle qu’il usurpait : l’organe est dissous, l’obstacle est levé; le jour vrai peut n’être plus séparé de lui-même. Paul Laborde conclut ainsi son livre tenu, hardi et mystérieux : “la pauvreté n’indique pas/ le temps // en son sein/ le jour a perdu/ son obstacle” (p.98). Ce que seuls les poètes font savoir est vraiment précieux.



Marc Wetzel



Paul Laborde, Le mot de pauvreté, préface de Jean-Luc Nancy, Arfuyen, septembre 2023, 112 pages, 14 €







“rien ne viendra nous sauver de la pauvreté

de la vie

rien d’extérieur à la vie

rien ne pourra contredire la vie

et

son fil de mort tendu” (p.16)



“c’est trahir la pauvreté que de vouloir

se réfugier en elle

le rien n’a pas le droit d’être doux



la pauvreté est froide mais elle n’est pas

dangereuse

elle ne protège de rien

mais le rien n’attaque

pas” (p. 38-39) :



“qu’un mot puisse être une image : premier

mensonge de la richesse

qu’un mot puisse dire quelque chose :

deuxième mensonge

qu’un mot puisse mentir : troisième

mensonge” (p.56)



“le retour de la pauvreté

un mot tenu au bord de sa chute

répétée ” (p.92)
Lien : https://www.poesibao.fr/paul..
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Dialogue entre un carnivore et un végétarien

Michael Huemer, un grand philosophe analytique et antispéciste franchement agréable à lire. Plus que quiconque - à part peut-être Singer - il rend la philo plus qu'intéressante. Sa plume est drôle et incisive. J'adore flâner sur son blog "fakenous.net".
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