« Singuliers furent les sujets qu’ils abordèrent. La rage aveugle et haineuse de la solitude brûlait dans la voix de Nathan, le poison y bouillonnait, qui ravage le cœur des infirmes et des fous : la haine du monde. L’absence rageuse de foi en la bonté et la splendeur des choses, l’ironie implacable d’un arrogant impie prêchaient par sa bouche, qui se mouillait tandis qu’il parlait. Sur ses lèvres flottait un tremblement qui venait du fond de son âme. Avec un toussotement sec, il se pencha vers Severin en chuchotant :
-Nous qui venons de Russie, nous sommes tous un peu chimistes. Chez moi, j’ai des boîtes d’explosifs et des machines qui feraient sauter toute une rue, si je le voulais. Mais c’est là du travail d’amateur. Il y a de meilleurs moyens, plus subtils, qui ont l’accord de la police et l’autorisation de la loi.
Etes-vous déjà venu dans ma taverne ?
Severin frissonna. Il regarda dans les yeux gris et rusés de Nathan et comprit le personnage tout d’un coup, sans plus ample explication. Il fut pris de peur devant cet homme qui partait à la chasse aux âmes, sans que personne le soupçonnât. »