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Citation de PetiteBichette


Il y a un moment - et il vient assez vite - où vous ne savez pas qui est le groupe qui s'affiche en lettres rouges au fronton de l'Olympia. Vous n'en avez jamais entendu parler et vous vous en foutez royalement. Il y a un moment où le visage de l'égérie Chanel en quatre par trois dans le métro ne provoque aucun stimulus dans votre cerveau, si ce n'est une admiration distraite pour la géométrie de ses traits. Vous ne le reconnaissez pas. Néant. Il y a un moment où des pans entiers du langage vous échappent. Il y a un moment encore où les jeunes générations vous semblent déguisées dans la rue. Vous les regardez, amusé, comme un sujet exotique plaisant et lointain.
Arrive ce moment où vous vous rendez-compte que vous vous êtes lentement extrait du bruit du monde. Que vous vivez dans le confort d’une réalité parallèle, votre propre réalité, figée, façonnée selon vos goûts et vos envies, mais hermétique aux pulsions de la société. C’est en général à partir de ce moment-là que vous commencez à parler d’avant. Vous développez une empathie inédite pour des choses que vous n’aviez jusque-là pas remarquées. Vous portez sur votre entourage un regard empreint de nostalgie, comme si celui-ci était menacé d’une destruction prochaine. Avant pourtant reste votre présent, mais vous pressentez qu’il appartient déjà au passé, car vous-même avez subtilement glissé. Et si vous parlez d’avant, vous parlez aussi de maintenant comme si ce n’était pas de votre temps qu’il s’agissait, comme si maintenant était étranger, allogène, comme si maintenant n’était pas un bien commun à tous les vivants mais un privilège réservé à d’autres que vous ne comprenez plus.
(p76-77)
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