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Citation de Partemps


Scène VIII
la terrasse du café de suède à cinq heures du soir
garçons de café, courant en tous sens.
— Un bitter pavillon ! — Baoumm ! — Versez frontière !
— Le Hanneton ? Il est en mains.

premier échotier
Une portière…

premier joueur de dominos
As partout.

deuxième joueur de dominos
As et six.

premier joueur de dominos
Je boude.

deuxième joueur de dominos
Double six !

deuxième échotier
Ah ! mon mot de la fin est coupé par Francis
Magnard ; mais, pour ne pas me faire de réclame,
Il a soin de ne pas citer mon nom, l’infâme
Coupeur, qui n’a pas fait le Dernier Mohican.

gustave aimard
Présent !


alphonse duchesne
La loi Tinguy n’est pas bonne…

premier échotier
Un cancan…

un dîneur
Comment faire ce soir pour me garnir la panse ?

une dîneuse, qui en est à sa troisième consommation.
Hélas ! et nul crevé pour payer la dépense !

un jeune homme, à un de ses amis.
Colcassé se battit hier avec Vestoncourt
Au premier sang pour Cou-de-Marbre…

premier échotier
Le bruit court…

premier vaudevilliste
J’ai le titre : Le Gendre aux Nénuphars. La scène
Est à Bondy…

m. clairville
Présent !

deuxième vaudevilliste
Oui, pas mal. C’est obscène.
Parlons-en à Koning… — Et rien pour les genoux
De l’orchestre ?

premier vaudevilliste
On verra… Delval… — La faisons-nous ?

le chœur
Tiens ! Le Guillois !


le guillois
Je fonde un journal : l’Écrevisse
Dans la tourte.

le chœur
Excellent !

un homme de lettres
A-t-il assez de vice ?

le guillois
Charges par Penoutet. — C’est pour demain matin.

quelqu'un
La prime ?

le guillois
Une noisette à surprise.

premier échotier
Un potin…

(Le décor change.)

Scène IX
à l’arène athlétique
le régisseur, annonçant.
Monsieur Polyte, dit la Colonne impollue
Contre Larfaillou, l’Homme à l’aisselle velue.

(Les deux lutteurs s’empoignent.)
une dame sérieuse
Ce torse me rappelle un homme que j’aimais,


Ce torse tatoué d’un tendre emblème ! — Mais,
Si forts qu’ils soient tous deux, j’en sais un qui les tombe.

un naïf
Tiens, ce caleçon porte écrit : Gare la bombe !

(Les lutteurs redoublent d’efforts.)
une dame moins sérieuse que la précédente
S’ils portaient aussi bien que Dumaine le frac,
Ce serait un bonheur inexprimable…

un caleçon, se déchirant
Crac !!!
(La toile tombe avec un louable à-propos).

Scène X
l’antre d’un critique
M. Francisque Sarcey, vêtu de pantoufles et d’un coin de feu, et assis devant un harmonium Alexandre et Cie, laisse errer ses doigts sur cet instrument et improvise l’élégie suivante.)
Puisque dans le théâtre
Le plus français
Got n’est plus idolâtre
Du Dieu succès,



Qu’il va jouer le drame
À l’Ambigu,
Ce qui cause à mon âme
Un mal aigu ;

Puisque, malgré son zèle
Et ses appas,
La pauvre demoiselle
Royer n’est pas

Assez portée aux nues
Tous les lundis,
Puisque des femmes nues
Que je maudis

Au sein du ministère
Vont bafouer
Cette sociétaire
Qu’il faut louer ;

Puisque Augier s’exile,
Puisque Hernani,
Ce bandit imbécile,
N’a pas fini

De souffler, pitre obscène,
Dans son vieux cor
Sur la première scène
Qui soit encor ;



Puisque l’Alsace ingrate
N’a pas porté
About, ce démocrate,
Pour député,

Semblable aux fleurs vermeilles
Qu’on voit pâlir,
Je vais dans mes oreilles
M’ensevelir !

(Il s’y ensevelit en effet).
(Le décor change).

Scène XI
l'administration du chemin de fer de méry-sur-oise
(Le bureau des convois à la gare. — Un employé en casquette galonnée de larmes et de sabliers d’argent cause avec un monsieur en grand deuil).
l’employé faisant l’article
Nous avons pour conduire aux sépultures neuves
Un grand choix de wagons : — violets pour les veuves
Qui suivent leur maris — et blancs pour ceux qu’abat
La mégère Atropos pendant le célibat ;
— Puis, entre nous, car il se peut qu’on en médise,
Pour les pauvres, nos vieux haquets de marchandise.


Mais chez nous il n’est pas une chose qu’on n’ait
En payant bien ; et s’il s’agît d’un gros bonnet
Et qui sera suivi par d’illustres ganaches,
Nous avons des wagons superbes, à panaches,
Commodes, ventilés et ne manquant de rien,
Avec des boules d’eau chaude, où l’on est fort bien
Quand on veut jouir des beautés du paysage.
— Voici les règlements et les tarifs d’usage.
Voyez ; il sera fait selon votre désir.

le monsieur
Veuf d’aujourd’hui…

l’employé, obséquieux.
Monsieur veut un train de plaisir ?

(Le décor change).


ÉPILOGUE

(Le Paris de 1868 dans une apothéose a l’éclairage électrique. — Boulevards immenses et rayonnant en tous sens. — Casernes superbes. — Arbres emmaillottés à faux-cols de zinc. — Innombrables établissements de photographie).

les sergents de ville
De l’ordre gardiens taciturnes
Non moins que des chaises Tronchons,
Dans le sein du bloc nous fichons
Les tapageurs nocturnes.


les financiers
Aux lieux qu’il faut qu’on sous-entende
Notre papier fait ce qu’il sied
Tandis que nous levons le pied
Avec le dividende.

les petits crevés et les petites crevettes
Nos vestons courts jusques aux nuques
Nous donnent un galbe parfait.
Et nos chignons font leur effet
Même sur les eunuques.

les boulevardiers
Forts de notre mission sainte,
Nous sommes amis de Carjat,
Et Pelloquet plus que l’orgeat
Trempe dans notre absinthe.

les aïssaouas
Les tas d’ordures, les sentines
N’ont rien qui nous puisse écœurer,
Mais nous ne saurions digérer,
Ô Veuillot, tes tartines.

tous
Hanneton, vole, vole, vole,
Et va dans un rapide élan
Souhaiter bonjour et bon an
Au lecteur bénévole.

(Le Hanneton obtempérant prend son essor et envoie des baisers à droite et à gauche. — Feux de Bengale. — La toile tombe.)
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