Autant Pierre Abélard, gloire parisienne, paraît un fondateur de la scolastique, un maître de l'art de penser ; autant ce rôle semble mal convenir à son adversaire, Bernard, abbé de Clairvaux. Le mysticisme de cet ennemi de la dialectique suppose pourtant une pensée qui ne manque ni d'unité, ni de rigueur.
La foi se pose au point de départ de la recherche intellectuelle : "Je ne cherche pas à comprendre pour croire, mais je crois pour comprendre. Car je crois aussi que je ne pourrais comprendre si je ne croyais pas". N'a-t-il pas été dit : "Si vous ne croyez point, vous ne comprendrez pas" ?
Saint-Anselme a pris rang dans l'histoire de la philosophie comme inventeur de la preuve de Dieu que Kant appela ontologique.
L'adéquation du connaître avec l'être ne suppose aucun monde intelligible; elle s'accomplit dans une connaissance intuitive, dans une expérience absolue, dirions-nous, dont chacun des objets se présente dans son être même avec une originalité radicale, dans la nouveauté de sa création. Même si, comme nous le croyons, on peut discerner dans une telle doctrine la part de notions et de raisons proprement philosophiques, l'univers de ce nominalisme est l'univers d'un théologien que la Révélation a introduit au point de vue divin: il n'a pas du réel une autre appréhension que l'incroyant mais, croyant, il en affirme des prédicats spécifiquement théologiques; en les pensant soumises à une puissance absolue, il juge des choses comme Dieu les voit.