Paul du Breuil

C’est maintenant donc qu’il convient de rendre justice à un auteur bien peu considéré par tous les historiens de la chevalerie qui refusèrent d’accréditer l’influence arabe sur les origines de la chevalerie en Occident. En effet, dès 1853, Adalbert de Beaumont, exposant ses savantes Recherches sur l’origine du blason et de la fleur de lys et en en démontrant les origines orientales, remarquait que c’est à l’imitation des Arabes, rencontrés en Espagne et aux croisades, que les mœurs polies, les costumes, les armes, le cheval léger pur-sang, les fers, les étriers, les tournois, les blasons, les hérauts, les jeux (échecs, paume, tric-trac), les chasse à courre, la fauconnerie, les lévriers, les signes peints et brodés, les livrées de pages, les sceaux, les lits de justice, les armures (casques à visière et hauberts), le tortil, les lambrequins, les animaux héraldiques et en particuliers le léopard, furent empruntés par les Francs aux musulmans qui terminaient eux-mêmes les armures, les bannières et les devises des Parthes.
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Quant à l’aspect « intérieur » de la philosophie de la chevalerie, l’influence exotique d’une éthique perso-musulmane sur les premiers croisés est amplement démontré depuis les exploits de la chevalerie parthe (IIIe siècle avant/IIIe siècle après J.C.), lesquels étaient dus aussi au respect d’un courage et d’une éthique de la guerre dictée par un code d’honneur d’inspiration religieuse zoroastrienne qui anticipait très largement celui qui naîtra dans la chevalerie européenne.
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De manière générale, d’autres manifestations à caractère chevaleresque au sein d’ethnies exotiques, démontrent l’universalité du phénomène, même si chaque tradition conserve une spécificité bien caractéristique.
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L’existence du code d’honneur des Samourais, Bushido, suffirait à établir la réalité d’une chevalerie au Japon dès 1153. En Inde, au sein de la caste des Kshatriyas, l’épopée des chevaliers Rajputs au Rajasthan, manifeste surtout contre la conquête islamique, rejoignait singulièrement la mission de l’ancienne chevalerie européenne. L’historien britannique James Tod a pu écrire des valeureux et nobles Rajputs de l’Inde qu’ils « étaient imbus de toutes les vertus du chevalier tout en lui étant bien supérieurs au point de vue intellectuel ». (pp. 119-122)

Toutes les grandes religions se sont heurtées au problème du mal. Le jaïnisme et le bouddhisme en avaient perçu l’amplitude universelle et la tragédie mais, contrairement au Zoroastrisme qui l’affronte, ces philosophies lui tournent le dos pour ne plus espérer que l’évasion dans le non-être.

Que l’on considère le parallèle que permettent les extraits ci-dessus avec l’éthique de la chevalerie occidentale du Moyen Âge. On constate que toutes les vertus requises du chevalier se trouvent déjà énoncées dans les Gâthâs de Zoroastre, et à quelle dimension ! Ici, protection de la foi, une foi vraiment universelle, puisque l’affirmation monothéiste de la transcendance d’Ahura Mazdâ ne fait aucun doute ; là, foi et protection de l’Église. Ici et là, le juste est le défenseur des faibles et le champion des vertus. Le code de la chevalerie prescrit l’amour du pays natal, les Gâthâs veulent faire triompher le bien sur le mal, dans la maison, dans la cité, dans la province et, d’une manière générale, on en souhaite la victoire dans le monde entier. L’affrontement de l’ennemi et la guerre aux infidèles des croisades s’entendent ici par une volonté sans cesse affirmée de combattre Ahriman, l’infidèle par excellence, et ses sectateurs par la pensée, la parole et l’action ; l’infidèle n’est pas ici celui qui ne partage pas les dogmes de notre religion, mais celui qui rejette la foi et le service du bien. La charité envers les pauvres et les justes est également impliquée dans les commandements zoroastriens.

Les commandements de la chevalerie moyenâgeuse trouvent une étroite paternité dans les Gâthâs. Enfin, on peut seulement regretter que notre civilisation ai méconnu ce respect que les Perses de l’empire achéménide accordaient à la parole donnée, pour la simple cause que l’horreur du mensonge, – comme responsable du chaos moral du monde – fut une vertu proprement zoroastrienne avant de s’étendre à toute la Perse. (pp. 33-34)

Avec la clairvoyance prophétique de Zarathoustra, Ahura Mazdä (étymologie avestique : Seigneur sage) brise à tout jamais la concurrence des divinités anthropomorphes et zoomorphes du panthéon aryeni. Bien plus, ce souverain de l'intelligence cosmique et de la lumière victoriale (Xvarnah), père des conceptions monothéistes, devient l’Absolu, équivalent au Parabraham indien, que ses fidèles placent si haut qu'aucune considération ethnique ou religieuse ne le mêlera plus aux disputes théologiques. Au contraire, la transcendance d’Ahura Mazdä protégera cette foi, grâce à la haute conception morale de la plupart des souverains perses.