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Critiques de Pauline Ducret (16)
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Le Puy-du-Faux

22/03/2022 - StreetPress - Par Lucas Chedeville

Si un élève reprend ça en cours, il aura une mauvaise note

« Le Puy du Fou a un discours anti-moderne, anti-Lumières et contre-révolutionnaire »

Quatre historiens, Florian Besson, Mathilde Larrère, Guillaume Lancereau et Pauline Ducret, ont étudié le Puy du Fou, le parc de Philippe de Villiers. Bilan : on s’amuse bien, mais d’un point de vue historique, c’est du grand n’importe quoi.

Les auteurs le reconnaissent volontiers, pour ce travail, ils ont eu « des étoiles pleins les yeux et le cerveau qui bugge ». Trois jours durant, Florian Besson, Mathilde Larrère, Guillaume Lancereau et Pauline Ducret, historiens et historiennes travaillant chacun sur une période historique distincte, ont arpenté les allées du Puy du Fou et assistés aux spectacles grandioses imaginés par l’homme politique réactionnaire Philippe de Villiers et ses équipes.

De ce travail ressort un livre, Le Puy du Faux, enquête sur un parc qui déforme l’histoire, à paraître ce jeudi 24 mars aux éditions Les Arènes. Dans lequel les auteurs dénoncent les erreurs historiques, les contre-vérités et une vision de l’histoire réactionnaire, identitaire, ultra-catholique, anti-universaliste et anti-républicaine du parc. On a donc discuté avec Mathilde Larrère, spécialiste du 19e siècle, et Guillaume Lancereau, spécialiste de la Révolution française.

D’où est venue l’idée de travailler sur le Puy du Fou ?

Mathilde Larrère (ML) : L’idée de Florian Besson était de faire un livre qui traitait de l’usage public du passé. Ce qui a beaucoup été écrit sur le Puy du Fou, c’est ce qui concerne son traitement de la Révolution française, plus spécifiquement de la contre-révolution. En revanche, rien n’a été analysé sur le traitement des autres périodes, or le Puy du Fou couvre un arc chronologique très vaste, des romains jusqu’à la guerre de 14-18, voire dans le spectacle final quelques bouts sur la Libération.

Guillaume Lancereau (GL) : J’ai fait ma thèse sur l’historiographie de la Révolution française, la manière dont on utilise l’histoire à des fins politiques, quels sont les enjeux politiques de cette mobilisation de l’histoire. Et donc il y avait un intérêt assez évident à travailler sur un avatar contemporain de cette manière de faire. D’autant plus que l’histoire de la Révolution est une période qui est particulièrement utilisée au Puy du Fou. L’idée était de réfléchir à travers ce livre à la dimension potentiellement périlleuse pour l’histoire et pour la politique des manières non contrôlées ou trop intéressées de faire vivre l’histoire.

Vous écrivez que la vision de l’Histoire présentée au Puy du Fou participe à une bataille culturelle menée par l’extrême droite. Pouvez-vous détailler ?

ML : Il y a, au Puy du Fou, l’idée d’une France éternelle qui n’aurait jamais bougé, une France catholique. Une idée qu’on peut retrouver chez De Villiers et Zemmour. Il y a dans les spectacles ou dans les décors des instrumentalisations, des erreurs et des travestissements historiques. C’est un discours qui valorise la royauté, l’aristocratie française, le catholicisme. Et qui, par ailleurs, est peu républicain, excluant des étrangers, et laisse peu de place aux femmes.

GL : La vision de l’histoire qui est proposée est très favorable au catholicisme, très conservatrice, traditionaliste sur les rapports de genre. Une lecture qui idéalise la nation française, le peuple français qui aurait toujours été identitaire à travers les âges. On retrouve les ingrédients d’un discours antimoderne, anti-Lumières, contre-révolutionnaire, anti-intellectualiste. Ce sont des discours qu’on trouvait déjà dans la droite conservatrice contre-révolutionnaire catholique de la fin XIXe siècle et dans le discours anti-intellectualiste des anti-dreyfusard.

La construction du roman national au Puy du Fou va jusqu’aux animaux présentés dans le parc…

GL : Il y a cette idée de conservatoire des races anciennes, le parc serait une sorte de refuge pour ces races (vaches, volailles, ânes) qui sont en fait totalement fantasmées, elles ont été inventées assez tardivement en réalité. Il y a un phénomène qu’on appelle l’invention de la tradition chez les historiens, je crois que le concept est assez parlant. On invente une tradition en disant qu’il y a des choses qui ont existé de tout temps alors qu’en réalité ce sont des re-créations relativement récentes et qui permettent de créer une fausse continuité entre des phénomènes historiques.

En plus des erreurs historiques, des périodes de l’histoire sont absentes du parc.

ML : Sur la période du XIXème siècle notamment, tout le mouvement ouvrier est complètement absent. En même temps, les autorités républicaines sont moquées, parce qu’elles sont soit complètement saoules, soit inefficaces. Il y a une critique très nette de la République, et en même temps une absence totale de réflexion sur cette modernité de la fin du siècle qui est juste présente sous la forme d’un vélo qui rouille dans un coin du village 1900. Mais la modernité sociale, le féminisme, le mouvement ouvrier, la politisation des classes populaires, tout ça est absolument absent.

Le parc se défend régulièrement de ces erreurs, contre-vérités et absences en disant que le but n’est pas d’instruire mais de présenter un divertissement. Qu’en dites-vous ?

ML : C’est souvent comme ça qu’ils répondent aux critiques qui peuvent être faites, par des visiteurs sur TripAdvisor ou dans les médias. Mais dans beaucoup d’interviews, De Villiers, lui, assume le fait que c’est de l’histoire. Le slogan du parc sur les affiches dans le métro c’est : « L’histoire vous attend ». Par ailleurs dans le parc, à aucun endroit il est indiqué : « Attention ce que vous allez voir est de la fiction ». Et, pire, dans les boutiques sont proposés des supports pédagogiques à destination des enfants qui reprennent les mêmes erreurs. On cite dans le livre le support sur les Romains, qui indique par exemple que César était empereur au moment d’envahir la Gaule, alors que c’est faux ! Si un élève reprend ça en cours il aura une mauvaise note.

Vous vous interrogez sur ce que les spectateurs retiennent de ces spectacles.

GL : Si on connaît un peu l’histoire de France quand on est Français, on peut à peu près se repérer. Mais qu’est-ce que les visiteurs étrangers retirent de spectacles qui sont aussi peu pédagogiques. Vous êtes plongés dans des schémas narratifs simples, qui marchent je pense, qui captent l’attention du public : il y a le blanc, le noir, les gentils, les méchants. On parle d’une histoire rassurante, il y a une volonté de surtout ne pas bousculer des représentations déjà structurées, notamment par l’école. Le discours n’est pas là pour instruire, pour surprendre, pour faire voir les choses sous un nouvel angle, il est là pour confirmer des idées reçues en permanence, et avec des récits qui suivent la trame narrative classique qu’on connaît.

À la fin du livre, vous vous amusez à imaginer des spectacles qui colleraient davantage à l’histoire. Peut-on envisager un contre-Puy du Fou ?

ML : Effectivement, il y a la possibilité – pas forcément de faire un contre-Puy du Fou – mais de faire un parc avec des spectacles et des décors, parce que c’est très réussi et très jouissif. Mais un parc qui transmette des connaissances scientifiquement établies et qui permettent de comprendre les sociétés du passé et les régimes du passé, qui ne soit pas au service d’une lecture à la fois erronée et politiquement orientée de ce passé.

GL : Il y avait la volonté de ne pas critiquer sans rien proposer. On trouvait ça assez divertissant de se dire ce qu’on ferait si on avait les moyens du Puy du Fou. Moi ça m’intéressait surtout de sortir du carcan nationaliste, en proposant un spectacle qui contiendrait les circulations transculturelles et géographiques au tout début de la modernité. C’était sur le premier russe converti à l’islam qui est parti en Perse, en Inde. C’est une manière aussi de montrer que les identités culturelles et religieuses pouvaient être beaucoup moins fixes que l’on se l’imagine et que la version proposée par le Puy du Fou.




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Le Puy-du-Faux

J’ai un avis mitigé quant à la pertinence de ce bouquin.

En effet personne n’est assez naïf pour penser que la rigueur historique soit la priorité de Ph. de Villiers au Puy-du-Fou. Il est certain que l’image d’Épinal, la France poussiéreuse, manichéenne et figée que de Villiers montre là-bas n’existe que dans la tête de quelques traditionalistes de droite. Il est évident que ce parc d’attraction n’est qu’une entreprise à faire du fric comme le sont Mickey-Land et compagnie (p. 142 : L’esprit nationaliste s’arrête souvent où commencent les intérêts commerciaux). Il est clair que nous sommes ici, comme chez S. Bern, L. Deutsch ou C. Bravo dans la société du spectacle ; Or l’Histoire est une science, une science humaine certes, et donc sujette à nuances et à interprétations, mais une science avec ses techniques, sa rigueur et ses autorités. Alors pourquoi sept chapitres pour nous dire ces lieux-communs, quand cela peut tenir en quatre phrases ? Le positif dans ces chapitres c’est, néanmoins, à la fin de chacun d’eux, le paragraphe intitulé « Pour en savoir plus » qui liste quelques ouvrages de références.

Là où les deux autrices et les deux auteurs deviennent réellement pertinent.e.s, c’est à la conclusion et plus encore dans l’épilogue, lorsqu’elles et ils proposent plusieurs scénarios possibles, respectant les sources historiques et la pédagogie tout en gardant un aspect spectaculaire. À mon sens, cette partie du livre aurait dû être plus développée au détriment des premiers chapitres, tissés de poncifs et donc d’un moindre intérêt.

Mais bon, ce n’est pas nous qui referons l’Histoire. Allez, salut.

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Le Puy-du-Faux

Accuser le Puy du Fou d'être faux historiquement est une bêtise. Bien sûr qu'un saints n'est pas revenu à la vie pour mettre fin à un raid viking, bien sûr que les chevaliers ne se déplaçaient pas verticalement sur les murs d'un donjon qui bougeait tout seul et crâchait des flammes. Et je ne parle même pas du roi Arthur et des chevaliers de la Table Ronde... Bref, les spectacles du Puy du Fou sont des contes, pas des récits historiques. Ce livre n'a rien d'intéressant à apporter pour la plupart des personnes, et intéressera seulement les gens déjà partisans de l'idéologie dégageant de ce livre ( le tout-politique ).
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Le Puy-du-Faux

Le moins que l'on puisse dire, c'est que ce livre fait parler de lui. Depuis quelques semaines, mes fils d'actualité font apparaître des articles - souvent très critiques, pas toujours très approfondis - sur la sortie de ce livre co-rédigés par 4 historiens/historiennes. Il n'y a qu'à consulter la page de la Fnac pour constater que la guerre fait rage autour de cet ouvrage : autant de critiques très négatives que de critiques élogieuses, autant d'avis favorables et défavorables sur chacune des critiques... L'objet de toutes ces polémiques : le parc du Puy du Fou. Célèbre parc situé en Vendée, accueillant quelques 2 millions de visiteurs chaque année, cela fait déjà plusieurs années qu'il est régulièrement la cible de critiques de la part des historiens qui dénoncent une vision biaisée de l'Histoire, vision très largement impulsée par le créateur du parc, Philippe de Villiers.



Avant toute chose, je tiens à préciser que j'apprécie énormément ce parc. Ce qui a donné lieu à quelques joutes verbales avec mon conjoint qui, historien d'études, a également un regard critique sur le parc. Comme beaucoup de personnes, je ne comprenais pas ce qu'on venait reprocher au Puy du Fou : à mon sens, il s'agit principalement d'un parc de divertissement, pas un parc de reconstitution historique. Mes souvenirs des spectacles se résumaient purement à un aspect "divertissement" et à aucun moment je n'ai pensé que ce que je voyais était historiquement avérée. Et je le pense toujours.



Malgré cela, j'étais très intéressée par la lecture de ce livre. D'une part parce que j'estime que pour en faire une critique, il faut en avoir pris connaissance, et d'autre part car je me demandais : mais que diable ont-ils contre le parc ? (et puis, un peu de prise de recul et de remise en question ne fait de mal à personne).



Le livre est bien construit : chaque chapitre aborde une thématique étudiée par les auteurs : la place des femmes, de la religion, du roi...Les auteurs ont réalisé un travail assez minutieux et documenté : chaque fin de chapitre indique les sources sur lesquelles ils ont appuyé leurs travaux (un vrai travail de scientifique universitaire). Le but n'est pas de montrer chacune des incohérences et des anachronismes du parc (et il y en a...), mais surtout de montrer que, de manière plus au moins subliminal, le parc fait transparaître une vision très biaisée (comprendre phallocrate/royaliste/catholique) de l'Histoire de France. Les auteurs dénoncent ainsi que sous couvert de divertissement, le parc participe à diffuser un message politique clairement orienté : les révolutionnaires républicains passant pour des brutes sanguinaires, le roi Louis XVI qui passe pour un martyr, les chrétiens romains jetés aux lions, la conversion des méchants vikings à la foi catholique..



Au terme de ma lecture, je dois donc bien admettre qu'en effet, quand on met bout à bout autant d'éléments, on ne peut que reconnaître la vision biaisée qui est donnée dans le parc. Mais je m'interroge malgré tout sur un point qui, à mon sens, manque au livre : quelle perception en ont vraiment les spectateurs une fois qu'ils sortent du parc ? ont-ils vraiment eu conscience de cette vision orientée ? ou sont-ils plutôt repartis avec comme souvenirs de superbes courses de chars, de palpitants combats, de la féerie d'une multitude d'oiseaux en plein vol... ? (ce qui était clairement mon cas). J'aurais aimé que le livre aille plus loin là-dessus et ne se contente pas de donner une "vision d'historien".



Au final, j'en retiens que les auteurs ne cherchent pas à empêcher les gens d'aller au parc mais plutôt de donner les clés aux lecteurs pour ne pas tout prendre pour argent comptant et de prendre la distance nécessaire avec ce qui nous est raconté. Dans l'épilogue, les 4 historiens se sont même prêtes au jeu d'imaginer des spectacles mêlant véracité historique et divertissement. De quoi donner des idées pour les prochains spectacles ? (on peut toujours rêver...).
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Le Puy-du-Faux

Quatre historiens partent en expédition au Puy du Fou. Pendant plusieurs jours, ils assistent à tous les spectacles, rencontrent les artisans, visitent les boutiques. Leur objectif est de découvrir, au-delà des caractéristiques techniques et des prouesses technologiques de toutes les attractions, la conception de l'Histoire que ce Parc veut promouvoir.

Ils accomplissent cette démarche d'une manière scientifique, mais sans surprise, ils montrent que la vision puyfolienne de l'Histoire est orientée et partielle. Ne souhaitant pas s'arrêter à ce constat, ils proposent des scénarios qui, en s'appuyant sur le savoir-faire du Parc, permettraient d'offrir une vision plus conforme à la réalité historique.

Sans doute que les spectateurs du Puy-du-Fou y vont essentiellement pour se divertir et que cette analyse ne les intéresse pas. Cependant, ils auront peut-être été imprégnés d'une certaine idéologie, même sans s'en rendre compte !

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Le Puy-du-Faux

Je vais me faire l'avocat du diable, mais je trouve cette étude un tantinet réductrice pour le simple spectateur qui sait ce qu'il est venu voir, c'est-à-dire un simple spectacle. Dès lors que le spectateur entre dans un parc d'attraction, il sait qu'il est dans un monde imaginaire dans lequel chacun joue un rôle. Car c'est ce qu'il recherche en entrant dans un parc. Comme il le fait lorsqu'il regarde un film ou lorsqu'il lit un roman.

La couverture peut nous donner un aperçu de l'objectivité de l'étude. Sur fond bleu roi (couleur de la monarchie, tant décriée par ces historiens) on y voit un chevalier agressif (stéréotypé) sur le point d'attaquer. Dès lors, la thèse est lancée (tel un coup d’épée que le chevalier est sur le point d’infliger… à son lecteur ?) il faudra contredire la vision romancée du concepteur du parc. Tous les coups sont-ils permis ? À n'en pas douté car tout y passe.

Je ne reviens pas sur les différents points développés dans l'ouvrage. Ce que je pourrais reprocher aux historiens est de surfer sur l'énorme succès du parc. Comme ils le rappellent très justement, ce parc accueille plusieurs milliers de visiteurs par an. Si donc ce livre fait parler de lui, alors, les bénéfices engendrés peuvent dépasser largement tous les ouvrages d'histoire que pourraient écrire (avec bien plus d'efforts) chacun de ces historiens. Je n'ai d'ailleurs pas trouver à combien s'élève le nombre de ventes de ce livre dans lequel le spectateur est infantilisé et incapable de faire la part entre le réel et l'imaginaire. J'ose espérer qu'il est moins naïf que ce que cet ouvrage tente de le supposer.

Ce parc peut faire penser à ce que fait, depuis 40 ans aussi, la compagnie Ironman pour les sportifs qui souhaiteraient s’immerger dans la peau d’un grand champion. Tout y fait pour rendre cette expérience la plus crédible possible. Drapeau sur le dossard, médaille, public, podium, photographes, tout y est. Et on y croit ! Or nous savons tous que tout n’est que mise en scène et que nous ne sommes des champions que pour nos proches et que l’exploit que nous avons accompli n’en est pas vraiment un, que nous n’aurons nulle part notre nom sur un quelconque journal.

Il en est de même pour le parc du Puy du fou. Le spectateur, quelque soit son niveau d’étude ou sa crédulité en histoire, endosse, en entrant, un habit et évolue dans un univers imaginaire. Cet univers est fait des stéréotypes de notre histoire nationale. Et tant pis cet univers est imparfait car l’objectif n’est pas de donner une leçon d’histoire mais de provoquer l’émerveillement.

En dernière lecture, les auteurs de l’ouvrage proposent eux aussi un parc qui correspondrait à leurs attentes. Puisque leur principale obsession est de relever les moindres erreurs historiques (en effet, Clovis n’a pas connu la caroline) alors rappelons que Suger n’a jamais pu écrire en français (p.166) car ce dernier s’est imposé que bien plus tard. Mais nous ne leur en tiendrons pas rigueur.

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Alix, l'art de Jacques Martin

C’est pour moi une plongée dans un univers qui a profondément marqué mon adolescence et qui m’émeut encore aujourd’hui puisque je continue à en acheter les nouveaux épisodes, sous la plume et les pinceaux des continuateurs, y compris le « spin-off » « Alix Senator » et la réincarnation du jeune éphèbe gallo-romain en un journaliste des années 50, Guy Lefranc.

Malheureusement, je n’ai pu me rendre à Angouleme … et me suis donc rabattue sur ce livre illustré de planches originales, avec ou sans mise à la couleur, en français ou en flamand … et des explications de textes.

Jacques Martin est considéré comme le créateur de la bande dessinée historique. Le moindre mérite de ce livre est de montrer à la fois les sources d’inspirations de l’auteur comme ses « erreurs » historiques – disons ses uchronies.

C’est redoutable pour moi car une grande partie de ma culture antique, je l’ai davantage puisée dans les aventures d’Alix que dans mes longues années de lycée où j’ai reçu un enseignement de latin et de grec, de la sixièèle à la première …

J’ai découvert dans cet beau livre une foule de choses, mais un peu dans le désordre. J’avoue ne pas avoir bien saisi le plan du livre qui n’est pas chronologique ... En vrac, donc, et en allers et retours, les différents thèmes : les débuts comme dessinateur-phare des studios Hergé et du Journal de Tintin, la forte culture technique d’un élève ingénieur, l’évolution de l’esthétique des visages et des corps, l’influence forte d’Edgar Pierre Jacobs (et l’agacement explicite de ce dernier), l’influence des événements politiques de l’époque (la guerre froide, le mythe de la nation française et du caractère bénéfique de la conquête romaine).

Mais surtout une image fantasmée du monde antique, la présence progressive de figures féminines, la nudité, les débauches antiques et les relations sexuelles débridées qui sont plutôt à attribuer au monde grec …

Bref, une nouvelle grille de lecture qui va me permettre de relire – une nouvelle fois – la collection complète des albums dans leur ordre chronologique - quand je serai revenue dans ma campagne - avec en mémoire ces références savantes et à présent évidentes.

Un travail de spécialistes réservé aux aficionados … un manuel irremplaçable !
Lien : http://www.bigmammy.fr/archi..
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Le Puy-du-Faux

Florian Besson et alii ont parfaitement raison quand ils reprochent à Monsieur de Villiers les nombreuses erreurs qui émaillent les différents spectacles composant la scénographie du Puy du Fou, qui ne présente pas la moindre valeur historique, pas plus que des films comme Gladiator. Il ne s'agit que d'un spectacle qui recherche le sensationnel.

Je suis plus partagé quand ils lui reprochent les orientations politiques qui transparaissent dans ledit spectacle. Villiers est catholique traditionaliste de sensibilité monarchiste. C'est son droit, ainsi que de soutenir une thèse historique conforme à ses orientations à travers son parc. Des historiens reconnus en ont fait autant, tel Claude Quetel dans son "Crois ou meurs". Mais, comme dit plus haut, on peut et doit lui reprocher de la soutenir avec des contre-vérités manifestes qu'il faut dénoncer, même si cela ne servira sans doute pas à grand chose. Les critiques érudites n'ont découragé personne d'aller voir Gladiator ou de lire les inepties de Dan Brown avec le fameux argument (dépourvu de sens) que "ce n'est que du spectacle.

Mais les auteurs du livre sont les premiers (et je le répète, c'est leur droits le plus strict) à soutenir une thèse historique précise, proche de la culture woke: théorie du genre, réévaluations excessives (et parfois contre-factuelle) du rôle des minorités ethniques, religieuses non chrétiennes dans l'histoire de France, influences du néo -feminisme, négation du rôle fondateur de la religion chrétienne..Dans ce dernier domaine, j'ai d'ailleurs relevé une erreur qui m'a surpris au sujet d'usages sexués de la faucille et de la faux : contrairement à ce que disent les auteurs, la faucille était employée aussi bien par les hommes que par les femmes (voir l'iconographie d'époque et, par exemple,les écrits de Braudel, bien qu'il ait été un mâle blanc cisgenre.. :) ) et la différence entre ces deux outils résidait dans leur usage, la faucille étant plutôt employée pour la moisson pour des raisons techniques et la faux pour la fenaison.

Comme un certain nombre d'historiens contemporains (pas tous) les auteurs se posent en de constructeurs du roman national, par eux défini comme idéologique; ils n'ont pas tort mais leur contre -recit l'est tout autant.

On connaît la formule de Clemenceau sur l'histoire de France : ,"je prends tout, du Baptême de Clovis au Comité de Salut Public"

Elle est bonne à méditer
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Le Puy-du-Faux

Aujourd’hui je vais évoquer Le Puy du Faux essai de quatre historiens. Ils font le récit d’une recherche de terrain sur un lieu singulier. Le titre est un jeu de mots sur le parc d’attraction (historique) du Puy du Fou en Vendée créé par Philippe de Villiers, il y a quatre décennies. Le sous-titre est Enquête sur un parc qui déforme l’Histoire.

En août 2021, les professeurs ont passé trois jours sur place à assister à toutes les attractions, à lire tous les panneaux, à arpenter les allées des librairies du site, à voir les spectacles et à dîner et loger dans le parc. Ils sont venus avec des intentions louables : comprendre le succès du lieu et vérifier le contenu historique de ce qui est présenté. Chacun est spécialiste d’une période différente. Rapidement ils s’interrogent sur la qualification réelle du Puy du Fou : est-ce un endroit de divertissement ou plutôt le lieu du martèlement d’un discours politique sur l’histoire ? Ils insistent sur le fait que : « l’histoire du Puy du Fou est sans conteste celle d’une réussite. Plus de quarante ans après sa création, le parc est passé du statut de microcosme du traditionalisme vendéen à celui de centre de tourisme international. » Le succès est indéniable, le nombre annuel de visiteurs est important et témoigne de l’attrait de cette façon de raconter l’histoire au public. Mais les auteurs, armés des méthodes historiques les plus réputées (archives, chronologie, etc.), vont s’efforcer de confronter les discours à la connaissance savante. Force est de constater qu’il existe un réel écart entre les deux. Le Puy du Fou est une caisse de résonance formidable pour véhiculer les idées traditionnalistes et catholiques chères au fondateur du parc. Et ceci au mépris de certaines vérités historiques, en adaptant les dates, en passant sous silence certains faits. Les exemples sont nombreux, les auteurs les explicitent. Ils sont particulièrement attentifs à la documentation pédagogique qui est censée accompagner les visites scolaires. Preuves à l’appui ils montrent les intentions cachées de l’entreprise pseudo historique. En effet il appert que : « l’objectif des spectacles n’est jamais de présenter une vision à jour des connaissances historiques sur telle période, tel phénomène (les raids vikings, par exemple) ou tel personnage, mais au contraire de réutiliser le plus possible des images anciennes, qui se sont petit à petit figées dans les imaginaires individuels et collectifs et que le Puy du Fou contribue activement à enraciner. » Le Puy du Fou est une véritable industrie avec de nombreux spectacle et la Cinéscénie centrale qui mettent en exergue des moments clés de l’histoire de France. Les moyens visuels et pyrotechniques sont séduisants. Et pourtant : « le passé est perpétuellement idéalisé et mis en contraste avec les ravages des temps modernes, de l’industrialisation, de la mondialisation. (...). Le Puy du Fou est amené à délivrer un discours qui valorise l’immobilité sociale. (...). En n’utilisant que quelques noms appartenant à une très mince fourchette chronologique, les références littéraires et artistiques convoquées par le parc renforcent finalement l’idéalisation de la monarchie ; le temps des rois apparait comme une période magnifique, glorieuse. (...) De l’an mil aux marins de Lapérouse, tout concourt à glorifier du même geste le pays et la nation : le tout dans des visions terriblement datées sur le plan historiographique. » En guise d’épilogue à leur exercice de déconstruction les historiens ne nient pas l’intérêt d’un tel parc avec les mises en scènes proposées et les fabuleux spectacles éblouissants. Simplement pour les périodes qu’ils ont étudiées ils proposent des alternatives avec des textes plus vrais qui tout en respectant l’esprit de loisir permettraient de transmettre des savoirs actualisés et non parasités par les idées personnelles de Philippe de Villiers et ses acolytes. Car comme ils l’affirment : « ce qu’on trouve au parc, ce n’est pas de l’histoire, mais le rêve d’un passé immobile, figé sur tous les plans. »

Le Puy du Faux est un essai passionnant qui se lit avec facilité. Certes l’enquête se révèle peu flatteuse pour le contenu historique présenté au Puy du Fou mais cette démarche est nécessaire pour mettre en garde le public contre le discours politiquement orienté qui est mis en exergue.

Voilà, je vous ai donc parlé du Puy du Faux de Florian Besson, Mathilde Larrère, Guillaume Lancereau et Pauline Ducret paru aux éditions Les Arènes.


Lien : http://culture-tout-azimut.o..
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Le Puy-du-Faux

Je suis ressorti assez choqué par cette pseudo enquête. Comment dire ? ce bouquin m'est tombé des mains ! je me disais, comment est-ce possible en 2023 d'écrire ce genre de stupidité, on dirait sorti ça des années de plomb du stalinisme, ou la propagande de la Pravda était reine. Ou alors ? me vint ce questionnement : si ce "bouquin " tiré par les cheveux était un pamphlet "commandé " par les services de l'état pour nuire somme toute à des adversaires politiques ?

Nul n'est assez naïf pour penser que la rigueur historique soit super important pour un parc à thème ! C'est comme les 3 mousquetaires de Dumas, on glorifie un peu l'ancien régime et quoi?, c'est pas la mort non plus que d'aimer l'histoire de son pays? Pourquoi ce procès d'intention ridicule, mais bien orienté ! Ph. De Villiers au Puy-du-Fou. Il est clair que l'image glorieuse de la France d'antant que De Villiers montre là-bas n'existe plus que dans les romans de Dumas et co. Certains traditionalistes de droite la reprennent, et alors?, c'est pour ça qu'on ne devrait pas aller visiter ce parc avec ces enfants ? Loufoque constat d'échec. Il est évident que ce parc d'attraction est aussi une entreprise à faire de l'argent comme le sont Disney-Land ou autres. Se plaint-on de l'image kitch de la France qu'ils renvoient eux? Non. S. Bern, L. Deutsch ou C. Bravo dans la société du spectacle pourquoi plusieurs chapitres pour nous dire ces lieux-communs, rien en fait, que des opinions ! Oui, pour eux, ce parc est un délit d'opinion qui ose décrire aussi la terreur qu'ont vécu sous la révolution des régions mis à sac et pillés par les troupes de la terreur. Et là, on a mis le doigt dessus ! L'état ne veut pas que les enfants justement sachent qu'il n'y avait pas que la gentille Marianne du timbre-poste de la république ! d'où cet acharnement idéologique.

La pédagogie se mue ici en démagogie, tout en gardant un aspect de pseudo enquête ou rien n'est factuel . Aucun témoignage direct, seuls des "ont dit que" avec des opinions biaisées pour orienter le lecteur dans un sens, extrait de journaux à l'appui. Un bouquin tissé de poncifs, sans le moindre intérêt. Oui en effet, ce titre est un puy du faux, celui de son contenu !

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Alix, l'art de Jacques Martin

Bien sûr, ce n'est pas donné, mais ce livre paru dans le cadre de l'exposition Alix-L'Art de Jacques Martin de 2018, est formidable pour tous ceux qui ont parcouru l'Antiquité sur les traces de l'éternel adolescent dessiné par Jacques Martin.

On y apprend ou découvre une foule d'informations.



Je ne savais pas par exemple, que Martin n'était pas Belge (né à Strasbourg, de père Français), ni qu'il se destinait à une carrière d'ingénieur, deux faits au fond, déterminants.

De son identité plurielle, de cette région tiraillée entre deux pays, naitra son héros ni gaulois ni romain.

De ses études, il gardera une passion pour la perspective.



Puis, vient l'installation à Bruxelles en 1946, ses années de formation influencées par Hergé et Jacobs, des débuts compliqués, les critique n'étant pas tendres sur l'évolution de son dessin, venant d'Hergé ("vous avez encore de sérieux progrès à faire" ou de Leblanc, directeur de Tintin (..."alléger certains traits, surveiller scrupuleusement l'orientation des ombres et musculatures", "les mains, les erreurs flagrantes de proportion, l'arrière-train du cheval est raté...").



Et puis, petit à petit, intégrant le studio Tintin au départ de Jacobs, dessinant à la chaîne les aventures d'Alix, il se fait un nom et produit l'oeuvre qu'on connait aujourd'hui, avec ses formidables qualités d'exposition des civilisations, son attirance constante pour le "perspectivisme" du trait et de l'histoire...et ses "défauts" récurrents comme l'absence de dynamisme du dessin, cette ignorance du sens du mouvement suggéré ou son héros paradoxal, qui ne rend jamais le monde meilleur ou plus sûr à la fin.



On apprend aussi que Martin n'était pas fan d'Enak (et on le comprend ô combien !), et que les dessinateurs de cette époque étaient de sacrés gentlemen.

Il faut lire les courriers adressés à Martin par Jacobs : "il s'agit du démarquage par trop flagrant de ma technique auquel vous vous livrez, ce qui vous a valu un succès auquel j'applaudis..." et la réponse de Martin "...si j'ai reconnu m'être inspiré de votre principe de découpage..", le tout dit avec beaucoup d'élégance et de respect.



L'album contient aussi quelques pages sur Lefranc baptisé "Un Alix des temps modernes". Mouais...



L'album en la forme est magnifique : 35 X 24,5 cm, 159 pages de papier épais de 130 g, fac-similés de toute beauté (et en particulier les tirages N&B)...Un bel investissement.
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Le Puy-du-Faux

Éblouis par des spectacles grandioses, ils n’en relèvent pas moins quantité d’erreurs, d’anachronismes, d’approximations, de contre-vérités. Mais le véritable problème réside dans l’idéologie sous-jacente qui irrigue tous les siècles traversés.
Lien : https://www.telerama.fr/deba..
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Le Puy-du-Faux

Un essai documenté et un complément très intéressant pour décrypter les contextes historiques abordés dans le parc du Puy du Fou. Personnellement visiteuse du parc depuis des années, et peu impactée par les discours sous-jacents qui peuvent rejaillir sur une partie du public, je trouve l’éclairage apporté par ces historiens et historiennes bienvenu.



Parfois un peu à charge sur certains points, l’ensemble reste toutefois relativement objectif et il est toujours salutaire de « remettre l’église au milieu du village » (les auteur-ices s’amuseront peut-être de l’utilisation de cette expression !). Personnellement quand je visite le parc, je n’en attends pas une leçon d’histoire mais des spectacles de qualité, et ceux que j’apprécie le moins sont d’ailleurs les plus décriés dans ce livre (Le dernier Panache, Le Premier Royaume, La Renaissance du château).



Reste à savoir si les messages sous-marins que souhaite véhiculer le créateur du parc fonctionne vraiment. N’en étant pas la cible et disposant d’une bonne culture historique me permettant de démêler relativement aisément le vrai du faux dans les éléments présentés dans le parc, en tout cas pour leur grande majorité, je me demande ce qu’il en est pour les autres visiteurs.



Ne serait-ce que pour l’éclaircissement des évènements historiques et les spectacles alternatifs écrits par les auteur-ices, je recommande la lecture de cet essai ! Pour celles et ceux qui aiment le Puy du Fou comme moi sans pour autant adhérer au message politique qu’il peut véhiculer, c’est un bon complément éclairé pour nous permettre de profiter encore davantage du parc en s’éloignant des éventuels pièges de facilité qui peuvent nous y être tendus.
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Le Puy-du-Faux

Un essai nécessaire et instructif, qui reste très accessible malgré la rigueur de la méthode et des explications historiques. Si vous voulez vous interroger sur ce que cachent les (magnifiques) spectacles du puy du fou, entre idéologie réactionnaires, mépris de l'histoire et réécriture du roman national pour perpétuer une France fantasmée... Ce livre est une pépite !
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Alix, l'art de Jacques Martin

J'ai beaucoup aimé me plonger dans l'univers d'Alix au travers de ce bel album. Découvrir l'envers du décor m'a passionné. C'est un bel ouvrage qui devrait attirer les passionnés de BD et bien sûr d'Alix. Et même ceux qui ne le sont pas.

Un grand format bien documenté qui permet d'approfondir l'histoire de l'auteur et de son personnage
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Alix, l'art de Jacques Martin

La Cité internationale de la bande dessinée et de l’image d’Angoulême consacre une exposition à l’art de Jacques Martin (1921-2010) et en particulier à Alix, personnage qui est né il y a tout juste soixante-dix ans. Dessinateur et scénariste, Jacques Martin a fait ses débuts au studio Hergé et dans le magazine Tintin. C’est dans ce magazine qu’il a fait paraître, en 1948, les premières aventures d’Alix, un jeune romain d’origine gauloise. Cette BD, qui a inauguré le genre de la BD historique en plongeant les lecteurs dans l’Antiquité, et en particulier dans les civilisations romaine et grecque, est au centre de l’exposition, avec des planches originales. Jusqu’en 1988, Jacques Martin a signé le scénario et le dessin des Alix, puis il s’est consacré uniquement à l’écriture. La série à succès (douze millions d’albums vendus, et des traductions en quinze langues) a été poursuivie après la mort de Jacques Martin, selon sa volonté. L’exposition présente aussi les autres créations de Jacques Martin, et notamment Guy Lefranc, une série qui met en scène, dans le monde contemporain, un intrépide journaliste-reporter.
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