« Je vous le confie, pour vous inspirer, murmure Mme Conti, la main toujours posée sur mon bras dans un mélange poignant de tristesse et de légèreté. Mon mari était… un amoureux des bonnes choses. Vous comprenez ? »
Je m’arrache à la contemplation des étapes nécessaires à la réalisation d’un osso bucco alla milanese pour rencontrer les yeux de la vieille dame dans lesquels perlent des larmes nacrées.
« Je comprends. »
Elle acquiesce avec une gravité qui m’étreint le cœur. Ses doigts fins et légèrement tordus par l’arthrose me serrent encore jusqu’à me faire un peu mal.
Ce qui me fout à terre, vraiment, c’est la puissance de cet amour caché entre les pages d’un livre poussiéreux, qui survit même à la mort.
Puis elle se redresse et sourit bravement, je sens combien ça lui coûte de faire semblant que son cœur n’est pas vidé, terrassé de la même douleur depuis tant d’années.