Peter Matthiessen

... comme les gens du cru, nous nous couchons dès qu'il fait sombre et nous levons à l'aube.
Pendant un bon moment je regarde la nuit s'étendre. Une chauve-souris piaille, les étoiles s'allument... quelque part de l'autre côté de la terre le soleil brille. Bientôt Mars apparaît au Nord dans la brèche sombre de la montagne par laquelle la Tarap descend du Dolpo, et, bien au chaud dans mon sac de couchage, je flotte sous le dôme du ciel. Au-dessus de moi, la galaxie de mon enfance poudroie, cachée malheureusement en Occident par la pollution de l'air et les lumières artificielles ; la puissance et le calme apaisant de la nuit n'existeront plus pour les enfants de mes enfants.
De temps en temps je me réveille et je contemple la spirale céleste ; Orion se lève, puis les Pléïades. Des étoiles filantes tracent leur arc dans le vide scintillant de l'univers obscur et vers quatre heures un satellite fend la nuit, heureusement silencieux, pareil à une sonde lancée d'un autre monde, d'un siècle lointain.
Un cheval hennit.