Philippe Artières

Sur le Larzac s'inventent depuis des millénaires des politiques du vivre-ensemble. Que ce soit à l'échelle d'un troupeau de brebis, d'une communauté de femmes, d'un camp de prisonniers, d'une association d'exploitants agricoles, d'industriels fromagers ou de militants en lutte, il accueille et façonne des formes de vie collective extraordinairement originales. On y nait, on y vit, on y meurt autrement. Tantôt disciplinaire et autoritaire, tantôt libertaire, souvent pastoral, les modes de gouvernement qui ont présidé à la vie des êtres sur le Larzac ont toujours été d'une extraordinaire diversité. La notion de communauté y a pris des sens très variés... Le squat de la ferme des Truels par les membres de l'Arche, le règlement de la colonie pénitentiaire agricole pour les gamins du Luc, I'organisation interne par les militants FLN du camp d'internement administratif pendant la guerre d'Algérie, la vie familiale dans les fermes ou encore la gouvernance par les Templiers des commanderies, jusqu'à l'énigmatique communauté de femmes «sorcières», sont autant d'éléments de ce divers.
Mais, on l'a dit, la particularité de ce lieu est aussi d'avoir été en permanence relié aux fracas du monde. Au cours de ce récit à plusieurs voix, l'histoire individuelle n'a cessé de croiser l'histoire locale, nationale et mondiale, formant un palimpseste inextricable. Vivre sur le causse ne signifie pas être dans un dehors. Bien au contraire, tout ce qui affecte le centre trouve ici un écho, et inversement. Le plateau est en permanence lieu de son temps.