Dès lors, l'homosexualité masculine ou féminine — cette « forme sexuelle intermédiaire » par excellence qui semble s'inscrire en faux contre la loi fondamentale de la polarité sexuelle définie par Weininger et avalisée par Evola — admet deux interprétations et deux “jugements de valeur” : elle est justifiée quand elle met en présence deux êtres au « visage » indéfini, ambigu, à la « forme » intérieure imprécise, comme lorsqu'un “homme” à 55 % et femme pour le reste, rencontre un être “femme” à 55 % et homme à 45 % (car dans ce cas, dit Evola, les rapports réputés « naturels » seraient précisément contraires à la nature de ces individus) ; elle est condamnable, non sur le plan moral mais ontologique (en ce sens qu'elle constitue une trahison de soi-même, une « dénaturation »), chaque fois qu'elle concerne, comme c'est de plus en plus fréquent aujourd'hui, deux individus qui passent à l'acte sous la seule influence d'une mode délétère, “pour voir”, pour se livrer à une “expérience”, comme si l'acte sexuel n'avait en soi n'a plus d'importance que le fait de changer de chemise. Mais précisément, cela aussi n'a rien de fortuit et relève du caractère inorganique du monde moderne. Quand l'existence des hommes et des femmes n'est plus rattachée par rien aux énergies profondes du cosmos, on assiste à un développement anormal du « masque », de l'individu social, au détriment de la « personne » ou du « visage », termes qui désignent, chez Evola, le svadharma, la “nature propre” de chacun. Et cela n'est pas sans conséquences sur la sexualité elle-même : « La contrepartie habituelle en est soit une anesthésie, soit une barbarisation primitiviste de la vie sexuelle. »
« Julius Evola ou la sexualité dans tous ses “états” », in : Dossiers H : Evola, l'Âge d'Homme, 1997.