Philippe Barbarin

Ma mort , évidemment, paraitra donner raison à ceux qui m'ont rapidement traité de naïf, ou d'idéaliste : "qu'il dise maintenant ce qu'il en pense !".

Mais ceux-là doivent savoir que sera enfin libérée ma plus lancinante curiosité.

Voici que je pourrai , s'il plait à Dieu, plonger mon regard dans celui du Père pour contempler avec Lui ses enfants de l'islam tels qu'ils les voit, tout illuminés de la gloire du Christ, fruits de Sa Passion, investis par le don de l’Esprit dont la joie secrète sera toujours d'établir la communion et de rétablir la ressemblance, en jouant avec les différences.

(Testament spirituel de Christian de Chergé prieur du monastère de Tibhirine Notre Dame de l'Atlas p.81)

Les moines de Tibhirine n’étaient pas des héros, ni des surhommes.
Simplement des hommes ordinaires, saisis par Dieu et vivant de lui dans les actes les plus quotidiens de leur existence. Leur vie était vraiment "ordinaire".
Dans la journée chacun vaquait à ses occupations , aussi orientées vers un mieux-être des voisins.

Ils étaient devenus des leurs, et c'est dans ce sens qu'il faut comprendre le choix de demeurer au milieu d'eux malgré le danger.
(p.68)

Chacun savait le poids d e ce risque. Et chacun avait déjà envisagé -sinon- apprivoisé- sa propre mort.

La présence discrète et humble des moines au coeur de l'Atlas, en terre musulmane, si petite soit-elle, est le symbole du possible "vivre ensemble" entre des communautés de culture et de foi différentes, dans le plus grand respect de chacun. Lorsque l'on prie à la chapelle et que l'on entend l'appel à la prière musulmane dans le lointain, on touche du doigt cette réalité de la présence complémentaire des uns et des autres qui prolonge le message de vie des martyrs de Tibhirine.

(frère Jean-Pierre Schumacher)

Il est un point sur lequel il faut insister : le destin terrible des moines est étroitement lié à celui de toutes les victimes de la violence tragiquement disparues pendant ces années noires.

Presque une centaine d'imans ont été assassinés pour avoir dénoncé la violence et les meurtres, une cinquantaine de journalistes ont subi le même sort, ainsi que bon nombre d'intellectuels et d'enseignants.
Des milliers de personnes ont été assassinés parce qu'elles refusaient de faire allégeance aux groupes islamiques armés.
Nous ne pouvons séparer la mémoire des moines s, comme celle des autres membres de l'Eglise catholique qui sont morts dans les m^mes conditions, de celle des ces nombreuses victimes.
Si nos 19 frères et soeurs chétiens sont déclarés "martyrs" (martyrs de quelle cause?), combine -quoique non chétiens-en mériteraient le titre?
Ils sont une foule de témoins à les accompagner au paradis et ils sont , j'en suis sur à leurs côtés.

Bienheureux de la foi dans un Dieu qui ne peut pactiser avec la violence et le crime. Il ne nous appartient pas de les déclarer comme tels, mais leur mémoire est liée à celle de nos "martyrs".

(Contribution de Claude Rault évêque du désert p.70)

Petite Eglise priant au milieu d'un peuple de priants, les moines étaient un signe sur la montagne.

(Pape François, dans la préface)