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Citation de lafilledepassage


Un jour, les gens du village m’ont accueilli de manière étrange. Ils parlaient fort et faisaient de grands gestes de dénégation. Ils m’ont escorté bruyamment jusqu’à sa maison, mais je savais déjà : elle était morte un mois plus tôt. J’ai acheté sa flûte à Thao Sy, son petit-fils : personne n’aurait pu s’en servir désormais, n’est-ce pas ? J’en tirais des sons qui pour moi seul contenaient la poésie de Nang Suy, la vieille folle. Elle va mourir avec moi, tout à l’heure. Plus personne, plus personne, plus personne jamais ne saura qui était Nang Suy, la vieille Orphée. Moi, je savais. C’est un peu sot, n’est-ce pas ? de se dire qu’avec moi, quelque chose d’elle vivait toujours, qu’elle n’était pas morte tout à fait, que le souvenir… Eh bien, il y a plus bête encore. Docteur, je crois que je voudrais maintenant pleurer, je crois qu’il y a des larmes dans ma gorge, et qu’elles ne sont pas pour moi-même qui suis en train de crever devant vous, mais pour une vieille bonne femme dont je ne savais même pas la langue , et à qui je n’ai jamais parlé. C’est absurde. La mort est la mort. C’est une chose bien claire et bien simple. Quand vous détectez avec vos appareils que rien ne bouge plus, que rien ne bat plus, que tout est désormais bien inerte, que la petite usine a résolument cessé de fonctionner, de produire, de transformer, c’est bien la fin. Le reste, c’est de la poésie. C’est un rêve de vivants. Folie, n’est-ce pas , cette Egypte, ces milliers, ces millions de cadavres dans le sable raidis dans leurs bandelettes, avec leurs trésors, leurs yeux d’onyx et de cristal ouverts dans l’obscurité, ces peintures de danseuses exquises, de moissons et de festins que personne ne verra jamais, si ce n’est moi, l’archéologue qui fouille le sable …
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