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Citation de NuitDeChine


Elégie.

Je delibere en vain d'une chose advenuê,
Car, puis qu'outre mon gré mon ame est devenuë
Prisonniere d'Amour" que sert de consulter
S'il est bon de le suivre, ou s'il faut l'éviter !
L'aduis n'y vaut plus rifn, monstrons donc de nous plaire
Au chemin qu'aussi bien par contrainte il faut faire,
Et courons la fortune. 0 Amour, desormais
Mon repos et ma vie en tes mâins je remets.
Toy seul comme un grand roy commande en ma pensée,
La raison et la peur loin de moy soit chassée,
Et tant de vains respects qui m'ont trop retenu,
Divisans mon esprit par un trouble inconnu.

Celuy qui sent de Mars sa poitrine échauffée,
Et qui veut s'honorer de quelque beau trofée,
Ne pallist estonné pour la peur des hazars, .
Mais voit devant ses yeux, par les rangs des soldars,
La mort d'horreur couverte et de sang toute tainte,
"Et l'attend de pié coy sans frayeur et sans crainte.
Moy donc qu'un plus grand Dieu touche si vivement,
Et Qui veux que mon nom vive etemellement,
Pour avoir mon amour sur tout autre élevée:
Moy qui ay tant de fois ma vaillance esprouvée,
Craindray-je maintenant à ce dernier assaut ?
Le fait que j'entreprens veut un courage haut,
Constant et patient, qui souffre sans se plaindre,
Qui durant sa langueur joyeux se puisse faindre,
Qui sente incessamment quelque nouveau trespas,
Qui se laisse brûler et ne soupire pas,
Et qui, pour tout loyer des douleurs qu'il support~,
Ne puisse esperer rien qu'une douleur plus forte.
C'est un labeur bien grand: mais rien n'est mal-aisé
Au coeur qui comme moy d'amour est embrasé.

Je veux donc poursuivir sans esperanoe aucune,
Sans appuy, sans raison, sans conseil, sans fortune,
Et d'Amour seulement je veux estre guidé:
Un aveugle, un enfant, qui desja m'a bandé
Les yeux ainsi qu'à luy, pour ne voir mon otrance,
Et qui de mon malheur m'oste la connoissance:
Ou, si je le connois, il me trouble si fort,
Que je suis le premier qui consens à ma mort.

Appelle qui voudra Phaéton miserable
D'avoir trop entrepris, je l'estiIne loüable;
Car au moins il est cheut un haut fait poursuivant,
Et par son trespas Mesme il s'est rendu vivant:
J'aimerois mieux courir ama mort asseurée,
Poursuivant courageux une chose honorée,
Que lasche et bas de coeur mille biens recevoir
De ceux que le commun aisément peut avoir.
Mon esprit, nay du ciel, au ciel tousjours aspire,
Et ce que chacun craint, c'est ce que je desire;

L'honneur suit les hazars, et l'homme audacieux
Par son malheur s'honore et se rend glorieux.
Le jeune enfant Icare en sert de temoignage.
Car, si volant au ciel il perdit son plumage,
Touché des chauds rayons du celeste flambeau,
Le fameux ocean luy fermit de tombeau,
Et depuis de son nom cette mer fut nommée :

Bien-heureux le malheur qui croist la renommee.
Desja d'un sort pareil je me sens menacer,
Moy qui devers le ciel mon vol ose dresser
(Voyage audacieux) mais rien ne me retire,
Car les ailes d'Amour ne sont faites de cire,
I,e plus ardant soleil si tost ne les fondra :
Puis j'ay ce reconfort, quand ma cheute adviendra,
Que ceux qui sçauront bien où je voulois attaindre
Envieront mon trespas plustost que de me plaindre.
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