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Critiques de Philippe Latger (2)
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Textures

Plus j'avance en lecture et plus me paraît évident que lire de la poésie et en retirer tout le miel suppose de se présenter aux mots du poète en être libre, indompté, primaire, poreux à la sensation physique et sensuelle des images et des sons, débarrassée de tout préjugé, idées reçues et éducation policée : donner sa chance au mystère, à l'inconnu, l'inouï qui peut nous laisser de marbre comme nous bouleverser, réveiller un souvenir des plus intimes dont on se croyait dépossédé mais qui n'était qu'enfoui... une aventure somme toute de l'ordre de la psychanalyse sauvage, si l'on veut bien le décider. C'est cette expérience que j'ai vécue avec "Textures" de Philippe Latger : j'y ai retrouvé mon enfance méditerranéenne, mon adolescence tourmentée, mes désirs de jeune adulte exprimés par le biais d'autres expériences, souvenirs, lieux, d'autres mots que les miens mais dont je pourrais me réclamer sans aucun sentiment d'usurpation. L'auteur possède ce précieux talent de donner au lecteur l'espace de sa propre création à travers des textes on ne peut plus personnels, créer une alchimie initiatique entre l'intime et l'universel, le masculin et le féminin, le lyrisme et le trivial sublimé. Si tous les textes sont inévitablement inégaux dans leur qualité, portée et résonance, reste le sentiment une fois le livre achevé d'un très beau vagabondage au coeur de paysages divers à travers lequel le lecteur s'attardera plus ou moins longtemps et en profondeur, selon son humeur du jour ou du moment, quitte à y revenir un peu plus tard, pour musarder entre les lignes selon son bon gré.



"Textures" est un recueil de textes poétiques, écrit en 2001 par un jeune auteur, dont chaque poème constitue un entrelacement de sensations, d'images, de fulgurances, de références : au lecteur de constituer, au fil de sa lecture, son propre itinéraire dans ce voyage onirique. Pour cela, il ne manque pas de matière : dans un foisonnement d'instantanés, tantôt ludiques, lyriques, désespérés, nomades, amoureux, érotiques, métaphysiques... la tête du lecteur tourne un peu dans un délicieux vertige à cette tentative juvénile d'embrasser le monde, l'éprouver dans ses infinies possibilités, dans une témérité adolescente, au risque pour l'oiseau- phoenix de s'y brûler les ailes, mourir et renaître, porté par une énergie vitale qui irradie chaque vers. On lit et on se laisse emporter par les télescopages de sonorités rappelant parfois les jeux de l'Oulipo ou des Surréalistes, la musique s'épanchant à nos oreilles avec éclat ou dans une douceur méridionale infinie, la sensualité d'un fruit fraichement cueilli dans lequel on mord avec gourmandise, le désir pour tout dire de vivre avec intensité chaque instant, chaque seconde, d'un temps que l'on sait compté.

J'ai pour ma part appréhendé "Textures" dans la lenteur, avec le besoin d'imposer des étapes à ce voyage épicurien et sensible.



Plus que tout, ce dont je sais gré à cet auteur, est, dans la pente descendante de ma vie, de me rappeler qui j'ai été et qui je demeure, me tendre un miroir dont l'image reflétée est plus belle que je n'aurais pu l'espérer : celle de l'avenir comme promesse, d'une attitude virginale malgré l'accumulation d'expériences ("L'acte est vierge, même répété" a écrit René Char), d'un élan toujours neuf vers demain à 20 ans comme à 50, fort d'une mémoire de nouveau rassemblée.



Oui, ouvrir un livre, y déposer un regard curieux et - presque - innocent peut vous amener à renaître, ou, mieux encore, à vous réconcilier avec les différents visages de votre passé, y compris ceux que vous ne vouliez plus rencontrer dans le miroir et que vous vous surprenez à aimer. L'art du poète offre à son lecteur en cadeau la reconquête d'une nouvelle liberté.



Je vous encourage à visiter le blog de Philippe Latger, dont l'écriture a mûri et s'est bonifiée - comme un excellent vin millésimé, http://casa-latger.over-blog.com/, pour découvrir un auteur, vous l'avez compris, infiniment talentueux et singulier, qui m'est devenu indispensable, dont une des multiples définitions pourrait être, de nouveau sous la plume de René Char : "Le poète, conservateur des infinis visages du vivant".
Lien : http://parures-de-petitebijo..
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La terre est rouge

Les éditions Soc&Foc, parmi leurs diverses activités, publient une collection d’ouvrages (disponibles sur commande cf. présentation du livre) qui propose d’ « associer un poète contemporain à un artiste plasticien ou un jeune graphiste au talent prometteur. »



C’est dans ce cadre que se présente « La terre est rouge », constitué de textes de Philippe Latger, auteur installé à Perpignan, et d’œuvres picturales de Robert Sanyas, également originaire des Pyrénées Orientales, dont l’atelier se trouve près de Montauban.



La terre rouge est la terre de Catalogne, France et Espagne réunies, berceau du poète, source inépuisable d’inspiration, où les mots prennent racine et s’épanouissent au gré des saisons et du temps qui passe, des voyages en train, des amours à vivre et des sentiments à éprouver avec une intensité solaire et fiévreuse, de l’homme en perpétuel mouvement et en quête incessante de ce qui le constitue et de ce à quoi il aspire, avec aux oreilles et au cœur la musique des sardanes et des guitares gitanes, sur les lèvres le goût du citron et des baisers de l’être aimé, aux narines les effluves d’une branche de tomate, et le corps tout entier frémissant de la sensualité aux couleurs sang et or d’un héritage méditerranéen.



Les mots voyagent… nous voici à New-York, terre étrangère où l’auteur ressent avec urgence le besoin de raconter ses racines qui lui remontent au nez et à la gorge. Partir loin, fuir, traverser un océan pour retrouver sa méditerranée…

Alors une artère new-yorkaise peut bien devenir une rue catalane, Manhattan s’essouffler sous la Tramontane, le jazz du Cotton Club revêtir les harmonies de sardane, les lieux d’ici ou d’ailleurs se répondent au cœur de celui qui se souvient de ce qu’il a été et pressent ce qu’il sera.



Après les lieux, voici les êtres : les fantômes de l’enfance, qui à leur tour convoquent leur propre passé, une mémoire à transmettre, une mythologie familiale revient à la surface liquide d’un étang entre terre et mer, de la Méditerranée nourricière ou de la Garonne reflétée dans les yeux d’une Louise Brooks occitane.



Puis, au cortège du souvenir voici que s’invitent les amours brûlantes comme le sable de la plage en été, auprès desquelles le corps jamais rassasié vient tour à tour s’épuiser et se régénérer, s’inscrire dans le cycle de la vie et de la terre, avec dans les veines le sang de la vigne, conjurer l’usure du temps, l’oubli inconcevable, la mort d’une mère adorée trop tôt arrachée que l’on viendra rejoindre à l’heure dévolue par un dieu hypothétique.



Et voici que l’œil du lecteur se pose sur les œuvres du peintre.

Les peintures de Robert Sanyas n’illustrent pas le texte, mais y répondent en écho. Les mots parlent, les mots donnent à voir. La peinture s’exprime, les couleurs et les formes dialoguent avec le poème.

Les couleurs, les formes abstraites, les lignes, les jaillissements font rythmes et perceptions. La matière est presque palpable, rappelant la terre, la pierre, le terroir.



Le regard vagabonde du texte à la peinture et inversement, continuant le même voyage, sans rupture de ton, dans une correspondance Baudelairienne en miroir qui ouvre des horizons parallèles.

J’ai entendu de la musique dans ces accords littéraires et picturaux. La peinture accentue le visuel, le texte l’olfactif, le tout produit de l’audition, offrant ainsi une gamme complète de sensations. On baigne dans la lumière du sud comme on baigne dans une sensualité méditerranéenne. Par moments, le texte renvoie à l’intime et le tableau à l’universel, puis, dans une mystérieuse réversibilité, le contraire se produit. L’écriture et la peinture existent de façon autonome, on ne sent pas l’une dépendante de l’autre, chacune propriétaire pleinement de son espace, sans empiéter sur l’autre, s’interpénètrent, et la force de cette autonomie partagée et commune donne au lecteur la possibilité d’inscrire son propre monde intérieur dans l’espace qui lui convient au moment où il le désire. Ainsi, il peut participer à la vibration douce et sensuelle qu’engendre cette création à deux voix. L’union enfantée, charnelle et mystique, est alors de l’ordre d’une puissance tellurienne. Incarnation poétique. Le mot est chair, les couleurs mordent. La violence est latente, sous l’indolence trompeuse. Le regard prend son temps, s’attarde, mais reste aux aguets. L’embuscade n’est jamais loin, au carrefour de l’enfance et du présent, du souvenir qui déchire et réconforte à la fois, de l’évocation des lieux désormais disparus que l’on convoque au repas épicé de la vie.



La terre est rouge. Le sang circule épais comme jus de tomate, transporte l’oxygène et les aliments. De New-York à Perpignan, de la mer à la terre, du geste à la pensée, l’enfant devient homme et prend la parole. Dans ses silences, résonne la couleur. Du vide de l’absence naît la forme. Le voyage initiatique n’a pas de fin. Le poète-prophète reviendra au pays plus fort mais le cœur toujours tendre.



Mais l’art protège ses mystères, et nous échappe toujours. L’alchimie opère, la parole et la toile transpirent sang et or à la chaleur des émotions. Nous sommes chez nous, en nous.


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